Canal entre Champagne et Bourgogne (versant Saône)

Jeudi 12 juin
Nuit calme. Ciel dégagé.
Soit le frigo démarre au gaz et ils reprennent la navigation ; soit il ne démarre pas et ils restent à Pontailler pour exécuter le branchement du frigo sur les batteries. Le gaz s'enflamme au premier coup de la commande piézoélectrique. Ils reprennent donc la navigation pour s'engager, à quelques trois kilomètres de Pontailler, dans le canal de la Marne à la Saône. Ils parcourront le canal de la Saône à la Marne.

Ils ont décidé d'effectuer le trajet prévu dans le sens des aiguilles de la montre. Au lieu de continuer à remonter la Saône, ils la descendront au retour.
A la première écluse du canal, il obtienne une télécommande d'un distributeur automatique. Pour la montée du canal, les écluses sont de deux types : à télécommande et à détection. Les premières sont à télécommande. A l'approche de l'écluse, un panneau invite à signaler sa présence et à indiquer le sens de navigation (montant ou avalant) à l'aide de la télécommande. Une fois amarré à l'intérieur de l'écluse, on enclenche la bassinée également à l'aide de la télécommande.
C'est simple.
Pour une écluse, la bassinée ne se déclenche pas ; pour trois autres, ils ne parviennent pas à signaler leur présence. Dans chaque cas, ils doivent téléphoner au poste de commandement du canal, qui délègue un collaborateur ou une collaboratrice sur place pour débloquer la situation en reprenant en main l'automate. Ils ont rencontré un problème pour 4 écluses sur les 8 qu'ils ont franchi. Ils n'avaient encore jamais rencontré un tel taux d'échec. Ils commencent à douter de leurs compétences à utiliser la télécommande.
Le passage d'un pont-levis à détection s'effectue sans incident. Ils s'en sortent mieux sans télécommande. Ils en viennent à regretter les écluses manuelles du canal de Bourgogne qui offraient des contacts avec les éclusières et éclusiers en dehors des incidents.
Le canal est désert. Ils ne croisent qu'un seul bateau sur 16 km parcourus en plus de 4.5 heures. Les haltes nautiques sont rares ; les possibilités d'amarrage en dehors des haltes également en raison de la prolifération des algues et des herbes sur les bords du canal.
Après la 8ème écluse, las, ils s'amarrent à l'aide des clous le long du chemin de hallage en visant un des rares emplacements épargnés par la végétation aquatique. Puisque le frigo fonctionne désormais au gaz, ils peuvent se passer d'un branchement électrique.

Ils profitent du chemin de hallage pour régler les vélos et les essayer. On dit que la pratique du vélo ne s'oublie pas. Mais après plus de trente ans, il valait mieux se remettre en selle sur une voie interdite à la circulation motorisée.
La collaboratrice des Voies Navigables de France (VNF) qui a dû intervenir notamment dans la dernière écluse leur apporte une nouvelle télécommande en remplacement de la leur qui semble déficiente. Le passage des écluses ne devrait plus poser de problèmes.
Quelques nuages et les arbres généreux qui bordent le canal apportent une ombre bienvenue en fin d'après-midi. La soirée s'annonce agréable.
 

Vendredi 13 juin
Ils avaient oublié la qualité du silence de la nuit en pleine nature.
Au réveil, le bateau est à l'ombre des arbres qui bordent le canal. La température est agréable.
Ils reprennent la navigation vers 9:00 avec l'intention de s'amarrer vers midi.
Avec la nouvelle télécommande, les premières écluses sont franchies sans incident. Mais lorsque la télécommande fonctionne, ce sont les portes des écluses qui coincent. A la fin de la bassinée, les portes d'une écluse refusent de s'ouvrir. Nouveau téléphone au PC du canal. Ils auraient dû équiper un ancien portable avec une carte d'un opérateur français.

Ils s'amarrent vers midi, à nouveau à l'aide des clous, à l'ombre d'une végétation fournie.
Ils ont parcouru 11 km et franchi 7 écluses en 3 heures.
Le canal est toujours aussi désert. Ils n'ont croisé qu'un seul bateau et quelques cyclistes égarés sur le chemin de hallage. Non seulement les maisons d'écluses sont abandonnées, mais également les ponts.

Le bateau est toujours à l'ombre à l'heure de la sieste. C'est une manière de dire qu'ils l'ont faite, la sieste.
Le long du chemin de hallage, elle cueille des fraises sauvages à parfaite maturité pour le dessert du repas du soir.
Le village de Fontaine-Française est situé à 3.5 km. Ils s'y rendent à vélo pour compléter les réserves alimentaires qui s'épuisent. Et en profitent pour s'installer à une terrasse ombragée. Sur ce tronçon du canal, les vélos sont indispensables. Les localités pourvues de commerces sont non seulement rares mais également relativement éloignées de la voie d'eau.

Samedi 14 juin
Au lever, la température est presque fraîche. La journée s'annonce moins chaude que les précédentes.
Ils larguent les amarres vers 9:00.


Ils passent les deux premières écluses sans incident. La troisième écluse refuse de les accueillir. Téléphone au PC qui ne parvient pas à activer l'écluse à distance. Une personne doit être déléguée sur place. Dans l'attente, ils doivent stabiliser le bateau devant l'écluse avec du vent qui complique l'exercice. L'employé des VNF confirme un problème de captage du signal de la télécommande. L'écluse suivante sera à détection. Constatant la faible hauteur du bateau, l'employé leur conseille de brandir une poêle à frire au passage du détecteur. Non, ça n'est pas une plaisanterie.
La maison de l'écluse est occupée par un bistrot à l'enseigne de « La petite fringale » (écluse 26, St-Maurice). C'est l'heure de l'apéro ; ils décident de s'arrêter et de s'installer sur la terrasse du bistrot pour le repas de midi avant d'affronter les prochaines écluses.
 

Ils ont croisé 4 bateaux. Un 5ème, montant comme eux, passe l'écluse.
L'écluse suivante, après la pause de midi, refuse de les détecter même sous la menace de la poêle à frire. Ça commence à bien faire !
Ils amarrent le bateau vers 15:00 à Cusey qui offre une petite halte nautique avec eau et électricité.
Ils ont parcouru environ 14 km et franchi 6 écluses.
Ils sont amarrés à coté du bateau qui les a devancés à l'écluse 26, durant la pause de midi. Le couple à bord navigue depuis 18 ans. Il a déjà parcouru à plusieurs reprises le canal de la Marne à la Saône.
Ils apprennent que le village de Cusey ne compte aucun commerce et qu'ils ne pourront renouveler les réserves alimentaires avant Langres, à 3 jours de navigation. Ils devront commencer à se rationner à moins de rencontrer des bistrots à défaut de commerces d'alimentation.
Ils reprendront la navigation demain avec le couple rencontré qui a le projet de rejoindre Piépape situé à 11 km et 11 écluses.

Dimanche 15 juin
Comme convenu la veille, ils reprennent la navigation, vers 9:15, en suivant leurs voisins dont le bateau s'appelle Le Pitalugue. Il faut prononcer le nom avec l'accent du sud des propriétaires.
Avant le départ, le capitaine du Pitalugue leur montre une pièce en métal avec plusieurs facettes qu'il fixe à la proue du bateau : « Si les capteurs ne nous détectent pas c'est qu'ils sont vraiment en panne ». On reconnaît les expérimentés, notamment à leur équipement inédit.
Le ciel est dégagé avec quelques nuages décoratifs chassés par un vent relativement fort qui complique la sortie des écluses. Ils y perdront un pare-battage. Ils franchissent leur premier pont-canal.

Les 8 premières écluses sont dociles. Les 9ème et 10ème refusent par contre de les détecter, malgré le renfort de la poêle à frire de l'Autre. Ils franchissent la 11ème sans incident avant de s'amarrer, 3.5 heures plus tard, à Piépape.
Une péniche-logement occupe la quasi totalité des quelques bollards qui garnissent la rive. Le Pitalugue utilise le solde des bollards disponibles. L'Autre s'amarre aux clous.

Ils n'iront pas plus loin aujourd'hui.
Les nuages plus denses mettent le bateau à l'ombre avant que la rangée d'arbres du chemin de hallage prenne le relais si nécessaire.
Ils visitent le village tout proche du canal. La tour de l'église a une curieuse allure de phare. Une boulangerie, bien évidemment fermée en ce dimanche après-midi. Elle sera également fermé demain, lundi. Sinon aucune enseigne de commerces ou de bistrots. Pas âme qui vive dans les rues. C'est à peine s'ils entendent quelques bruits discrets d'habitants à l'intérieur des quelques maisons non abandonnées.
Le caractère désertique du canal se confirme. Ils ne sont pas prêts de remplacer leur pare-battage.




Lundi 16 juin
Le Pitalugue a décidé de naviguer aujourd'hui jusqu'à Langres : 11 écluses montantes, le bief de partage entre le versant Saône et le versant Marne avec un tunnel de près de 5 km et 2 écluses descendantes, le tout sur une vingtaine de kilomètres.
Ils décident de le suivre.
Compte tenu de l'ampleur de l'étape, le Pitalugue largue les amarres vers 8:30 ; ils font de même.
Ils se présentent devant la première écluse vers 8:45 ; celle-ci ne réagit pas. Ils ont oublié que les écluses, même automatisées, ne se réveillent qu'à 9:00.
Une fois la première écluse franchie, ils enchaînent les suivantes sans incidents en ce qui concerne le fonctionnement des écluses. En raison du vent, la navigation est par contre compliquée, en particulier pour les attentes devant les écluses et la sortie des écluses. Ils s'en tirent plutôt bien en comparaison avec le Pitalugue plus expérimenté. Ecluse après écluse, ils améliorent leur technique de navigation.


La dernière écluse franchie, ils s'engagent dans la tranchée menant au tunnel.
A l'entrée, le feu est rouge et le panneau lumineux indique « tunnel fermé incident ». On ne les a pourtant pas prévenu lors du passage de la dernière écluse.
Ignorant le feu rouge, Le Pitalugue poursuit sa navigation. Eux, s'arrêtent et tentent de téléphoner au PC. Sans succès, ils n'ont pas de réseau. Ils font demi-tour pour rejoindre l'écluse où on les informe que la signalisation est en panne et qu'ils peuvent s'engager dans le tunnel. Demi-tour, direction tunnel. Ils auront perdu 1 heure.
Ils affrontent les feux rouges du tunnel, avec une confiance relative à l'égard du feu vert donné oralement à l'écluse. Une heure plus tard, soulagés, ils sortent du tunnel.



Il ne reste plus que deux écluses descendantes. Leur télécommande est impuissante à déclencher la préparation des écluses. Téléphones au PC, attente devant les écluses et échange de leur télécommande dans la seconde écluse. C'est leur troisième télécommande. Ils ne la testeront pas aujourd'hui.
Ils amarrent le bateau à Langres vers 15:30, derrière le Pitalugue. 7 heures de navigation. Ils s'étaient pourtant jurés de ne plus réaliser des journées de navigation aussi longue. Ils sont fourbus.
Ils apprennent que le Pitalugue avait contacté le PC par radio et reçu l'autorisation de franchir le tunnel malgré le feu rouge. Ils n'ont pas vu les signes de l'équipage du Pitalugue les invitant à le suivre. Pour la saison prochaine, ils s'équiperont d'une radio VHF.

Langres est située à l'écart sur un éperon rocheux à près de 130 m au-dessus du niveau du canal. A pied ou à vélo, ce serait une expédition de s'y rendre. Dans l'état où ils se trouvent, ils ne se sentent pas le courage de l'entreprendre, ni aujourd'hui, ni demain. La halte n'est pas très agréable, situés sous un réseau de câbles haute-tension.
Le Pitalugue a décidé de naviguer le lendemain jusqu'à Rolampot situé à 11 km et 7 écluses. Le canal traverse la localité qui, selon leur guide fluvial, offre de nombreux commerces. La halte nautique sera pourvue de branchements pour l'électricité et l'eau. Ils suivront donc le Pitalugue et s'offriront une escale prolongée bien méritée à Rolampot.

Saône (Verdun-sur-le-Doubs - Pontailler-sur-Saône)

Jeudi 5 juin
Un couple d'amis a aimablement accepté de les accompagner au bateau. Cette année, ils emmènent leur petit-fils de 4.5 ans qui naviguera avec eux jusqu'au lundi 9 juin.
Ils arrivent au port vers 13:30. Petit repas à la Capitainerie et embarquement des bagages. Elle, leurs amis et le petit font les courses pour le repas du soir. Lui installe la fixation pour les vélos à l'arrière du bateau.
Quatre adultes et un enfant autour de la table du carré ; il s'agit de l'encombrement maximal et exceptionnel du bateau.
Leur petit-fils s'est endormi dans la cabine. Leurs amis rejoignent l'hôtel en fin de soirée. Eux, inaugurent la couchette du carré.

Vendredi 6 juin
Ils sont réveillés par leur petit-fils à 6:15. Ils ont perdu l'habitude de réveils aussi matinaux.
Le ciel est dégagé, la journée sera sans doute chaude. La matinée est consacrée aux courses et aux derniers préparatifs du bateau (rangements et réserve d'eau).
Le compte-heures-moteur affiche 2898 h. Ils larguent les amarres vers 13:00 pour Seurre, remontent la Saône à environ 10 km/h, la manette des gaz à fond, et amarrent le bateau deux heures plus tard à Seurre. Comme l'année dernière à pareille période, le port est quasi vide. La saison des locations ne bat pas encore son plein.

Samedi 7 juin
Leur petit-fils se manifeste aujourd'hui à une heure décente : vers 7:45. Il commence sans doute à trouver ses marques sur le bateau.
Le temps est toujours au beau. Les prévisions météo annoncent 33 degrés pour la journée.
Saint-Jean-de-Losne sera la prochaine et dernière étape avant Auxonne où leur fille viendra récupérer son fils. Ils amarrent le bateau dans le port des Établissements Joël Blanquart.

Dimanche 8 juin
Réveil à 8:00 h. Dormir sur l'eau semble convenir à leur petit-fils. Ils décident de naviguer avant la grande chaleur de la mi-journée et amarrent le bateau à Auxonne vers 12:30. Après un repas léger, ils vont chercher l'ombre des rues de la vieille ville. La température à bord est montée à 36 degrés. Ils espéraient le beau pour accueillir leur petit-fils sur le bateau ; ils n'en demandaient pas autant. Ils en viennent à se demander si un temps pluvieux n'aurait pas été plus agréable.
S'occuper d'un enfant de 4.5 ans est un travail à plein temps qui ne laisse que peu de place à des activités annexes, notamment à la rédaction et l'illustration de carnets de bord. Ils en sont désolés pour leurs lecteurs. Que ceux-ci se rassurent, le carnet de bord retrouvera sa vitesse de croisière ordinaire dans quelques jours.

Lundi 9 juin
Leur petit-fils a trouvé son sommeil de croisière : réveil vers 7:45.
Le bateau est amarré au pied des anciennes fortifications à quelques pas de la vieille ville. Quelques arbres majestueux offrent la possibilité d'un replis à l'ombre en cas de forte chaleur. La halte nautique d'Auxonne est vraiment plaisante, si l'on excepte les fréquents et forts balancements générés par les bateaux de la base de ski nautique située sur l'autre rive. Dans les circonstances présentes, cette nuisance constitue une attraction pour leur petit-fils qui n'avait pas encore imaginé habiter un logement-balançoire : garder l'équilibre debout sur la banquette du carré ; se balancer pour se donner l'illusion d'entraîner le bateau dans son mouvement.
Leur fille rejoint le bateau vers 13:00. Elle prend la route avec son fils vers 14:30 après un repas partagé à bord. Eux achèvent le rangement des bagages à bord et se réfugient sur la terrasse d'un bar de la vieille ville. L'enseigne lumineuse d'une pharmacie indiquent 39 degrés. Ils attendent la relative fraîcheur du soir sous les arbres qui bordent la halte nautique.


Mardi 10 juin
En l'absence de leur petit-fils, ils se lèvent à une heure que la décence interdit de préciser par égard à celles et ceux qui ont repris le travail après cette fin de semaine prolongée.
Ils décident de passer une nuit encore à Auxonne. Ils consacrent le solde de la matinée au réapprovisionnement en boisson et nourriture. Sinon, programme ordinaire : repas, sieste, ballade dans la vieille ville, lecture, remplissage du réservoir d'eau ...



Début en douceur : au 5ème jour de leur départ, ils n'ont effectué que 55 km ne comportant que 4 écluses.
Ils largueront les amarres demain pour Pontailler-sur-Saône.

Mercredi 11 juin
Hier en fin de journée, le ciel s'est couvert. Quelques rayons du soleil couchant mettent en lumière la tour de l'église sur le fond d'un ciel menaçant. Un fort vent se lève pour bercer le bateau et le « décorer » des feuilles et fleurs des arbres alentours. L'orage gronde autour. Ils ont été épargnés et n'ont essuyé qu'une petite pluie qui peina à rafraîchir le bateau.

Au matin, le ciel est à nouveau totalement dégagé.
Ils décident de larguer les amarres assez tôt pour atteindre Pontailler-sur-Saône avant les heures les plus chaudes de la journée. Il fera 36 degrés.
Deux bateaux les précèdent. Un bateau est en attente devant la seule écluse qu'ils ont à franchir avant Pontailler. A l'ouverture de l'écluse, les deux premiers bateaux s'engagent et déclenchent la bassinée sans attendre les suivants. Les deux derniers bateaux ne peuvent pénétrer dans l'écluse, qui aurait pourtant pu contenir les 4 embarcations, et doivent attendre la prochaine bassinée. Les deux premiers bateaux craignaient sans doute quelques touchettes dues à une trop grande proximité à l'intérieur de l'écluse. Ils seront toujours surpris par le soin quasi maniaque porté par certains à leur bateau toujours rutilant.

Ils amarrent le bateau à la base de location Les Canalous de Pontailler vers la mi-journée.
Au départ d'Auxonne, ils n'ont pas réussi à faire fonctionner le frigo sur le gaz. Avec l'aide d'un technicien de la base, le frigo s'enclenche. Il suffisait d'insister sur la commande piézoélectrique jusqu'à ce que le gaz s'enflamme. Ce n'est quand même pas tout à fait normal. Pour plus de sécurité, ils examineront la possibilité de faire brancher le frigo sur les batteries domestiques, en cours de croisière. A quoi bon posséder un appareil tri-modes si celui-ci ne peut fonctionner que sur deux modes.
La météo annonce à nouveau des orages pour la fin de la journée. Le ciel se couvre de nuages pour l'instant peu menaçants. Le vent ne s'est pas encore levé. Ils vous en diront plus demain.