Le Rhône (Lyon - Avignon - Beaucaire)

Dimanche 14 juin
Le temps est toujours à la pluie. Les activités de la fête du « temps des cerises » reprennent courageusement après la brutale interruption de la veille au soir. Des pluies intermittentes mouilleront toute la journée. La température est agréable et favorable à du farniente en alternance à bord et sur le site de la manifestation lors des accalmies.
Ils font la connaissance d'un couple de Français qui a acheté un bateau à Saint-Jean-de-Losne et l’amène à Bordeaux. Pour lui, la descente du Rhône est également une première. Il ne reprendra toutefois pas la navigation avant mercredi. Eux n'ont pas l'intention de prolonger leur escale à Lyon. Les prévisions météorologiques annoncent pour le lendemain un temps couvert mais sans précipitation avant la fin de le journée. Si tel est le cas, ils s'engageront sur le Rhône en début de journée pour une étape de 42 km, avec deux écluses, jusqu'aux Roches-de-Condrieu. Selon les informations obtenues, ils ne rencontreront par de halte intermédiaire. Ils seront donc contraints de naviguer pendant 5 à 6 heures, en tenant compte du temps du passage des écluses. Ils seront en forme. La nuit sera calme. La fête s'achève à 19:00.

Lundi 15 juin
Conformément aux prévisions, le ciel est couvert mais les nuages ne sont pas menaçants.
Elle hésite. Peut-être feraient-ils mieux de prolonger leur escale et de reprendre la navigation avec le couple français, mercredi. Malgré ses appréhensions, ils ne pourront pas sans cesse reporter le moment de leur rencontre avec leur Rhône, à moins de rebrousser chemin. Après quelque hésitation, ils larguent les amarres à 8:45.
Les constructions de la pointe sud de la presqu'île rivalisent d'originalité par leur architecture. Après 1 km, ils rejoignent le Rhône. Ils s'annoncent par VHF à l'écluse de Pierre-Bénite qui est prête à leur arrivée. Ils croisent un bateau-hôtel et se font doubler par une péniche commerciale à l'approche de l'écluse de Vaugris. Ils s'engagent dans l'écluse dans le sillage de la péniche. Ils ne croiseront plus qu'un bateau de plaisance jusqu'à leur arrivée aux Roches-de-Condrieu où ils amarrent leur bateau un peu avant 13:00, bien plus tôt que prévu. Ils n'ont pas dû attendre aux écluses et, au même régime moteur, leur vitesse de croisière a augmenté de 3 km/h (+30%) par rapport à la navigation sur la Saône, malgré un léger vent contraire. La vitesse de croisière se réduira d'autant lors de la remontée. Mais ça, c'est pour la saison prochaine.
Le paysage a changé, marqué par les vallonnements des côtes du Rhône.
La première étape sur le Rhône s'est déroulée sans encombre. Les écluses avec leurs bollards flottants sont confortables. Les effets du courant, pour l'instant relativement faible, ne sont pas vraiment sensibles, hormis l'augmentation de la vitesse de croisière. Elle est soulagée que sa première rencontre avec le Rhône se soit bien passée. En fin d'après-midi, la pluie se met à tomber et l'orage gronde alentours. Les précipitations ne sont pas abondantes, suffisantes toutefois pour réveiller la pompe de cale qui s'était assoupie après plus de quatre heures de veille pour la navigation sur le Rhône. Pour elle, c'est une première également et elle a dû être vigilante.
Les prévisions annoncent une journée pluvieuse pour le lendemain. Ils feront une escale de deux nuits au moins, voire trois puisque le capitaine du port leur en offre généreusement trois pour deux.












Mardi 16 juin
Le port s'est endormi sous la protection du clocher illuminé de l'église St-Nicolas. La nuit a été particulièrement calme. Ils ont récupéré de leur étape de navigation de la veille. Conformément aux prévisions, le ciel est couvert. La température sera agréable pour l'escale.
Par un heureux hasard, mardi est jour de marché aux Roches-de-Condrieu. Ils ont le temps de reconstituer leur réserve de fruits et légumes frais avant la pluie qui occupera la totalité de la journée.
Le couple français rencontré au port du Confluent à Lyon amarre son bateau en début d'après-midi, après 6 heures de navigation, dont 2 heures d'attente à une écluse. Il reprendra la navigation demain matin dès 7:00 pour atteindre Valence à 70 km avec 3 écluses. Ils ne se joindront pas à lui. Larguer les amarres si tôt n'est guère envisageable pour eux ; une étape de plus de 8 heures, encore moins. Ils continueront à leur rythme, même si ce doit être en solitaires.
Ils font la connaissance d'un couple de suisses-alémaniques qui vit sur une péniche depuis 7 ans. Il descend également vers le sud mais ne reprendra pas la navigation avant le sur-lendemain.
Les prévisions météorologiques annoncent la fin de la pluie. Ils décident de reprendre la navigation demain pour une étape jusqu'à Saint-Vallier à 35 km et 1 écluse. Ils prévoient profiter de la fête de la musique à Valence qu'ils devraient atteindre jeudi ou vendredi en fonction de la météo. Ils évitent, dans toute la mesure du possible, de naviguer sous la pluie, en raison d'un essuie-glace plus paresseux qu'eux. Pas trop chaud, pas de pluie, pas trop de vent contraire, les créneaux pour la navigation sont un peu étroits.




Mercredi 17 juin
Conformément aux prévisions, le ciel est dégagé et la températures ne devrait pas monter à plus de 24 degrés. Le paysage a retrouvé des couleurs. Les conditions sont favorables à une étape de navigation. Ils quittent le port des Roches-de-Condrieu à 8:30, après avoir compléter leur réserve de gazole, non pas parce qu'ils en avaient besoin, mais parce que le carburant était disponible depuis un ponton.
Ils s'annoncent à l'écluse des Sablons avec la VHF. L'écluse est prête et les attend. Ils s'y engagent derrière une péniche commerciale et deux autres bateaux de plaisance. Pour les annonces aux écluses, ils ont pris l'habitude de prononcer le nom du bateau avec l'accent, « l'otre », pour éviter que l'on demande de répéter, déjà que le nom surprend. Ils ne croisent que deux péniches de grands gabarits. Le bateau est à chaque fois fortement secoué. Ils s'appliquent pourtant à couper de front les remous. Elles se familiarise avec la navigation sur le Rhône et demande même à prendre la barre.
Ils amarrent le bateau au ponton de la halte de Saint-Vallier vers 11:30. Le ponton qui ne peut accueillir qu'un ou deux bateaux en fonction de leur taille est heureusement vide. Quelques bateaux de plaisance doublent la halte pour faire escale à Valence sans doute. Le bateau est ballotté par un vent du nord d'une trentaine de km/h dont ils n'avaient par contre pas senti les effets lors de la navigation. Elle a amarré le bateau avec toutes les cordes disponibles ; il ne s'envolera pas.
Lorsqu'ils sont à terre et prennent un peu de recul, ils constatent avec quelque anxiété que leur bateau n'est pas vraiment à la mesure du fleuve, ni à celle des équipements. Ils se sentent définitivement plus à l'aise sur les canaux et rivières, là où ils peuvent amarrer le bateau en sauvage avec deux « clous ».
En soirée, le vent tombe et le fleuve se calme, comme si le paysage s'assoupissait au crépuscule.






Jeudi 18 juin
La nuit a été calme. Le bateau n'a été ballotté qu'une seule fois par une péniche, gentiment. Le vent du nord de la veille ne s'est pas levé. La surface du fleuve est lisse. Quelques nuages occupent le ciel.
Valence est à 36 km et 2 écluses. Si les écluses sont aussi bienveillantes que les précédentes, ils ont devant eux quelques 4 heures de navigation.
Ils quittent la halte de Saint-Vallier en se mettant dans le sillage d'une péniche. Ils ont quelque difficulté à la suivre et se présente à la première écluse de l'étape avec un léger retard. Par la suite, ils sont par contre distancés et la péniche passera seule la seconde écluse. Ils devront patienter environ 1.5 heures devant l'écluse pour laisser passer des « commerces ». Il fallait bien que ça leur arrive une fois. Le vent du Nord s'est levé, un vent soutenu. Les grands crus des côtes du Rhône s'affichent fièrement sur les quais des localités. Hormis les péniches commerciales, ils ne croisent qu'un seul bateau de plaisance, d'un gabarit semblable au celui du leur, qui remonte avec peine le fleuve contre le vent. Bien que la remontée soit au programme de la saison prochaine, ils décident de faire l'expérience sur 1 ou 2 km avant de quitter le Rhône, pour prendre la mesure de ce qui les attendra.
Ils amarrent le bateau au port de plaisance de Valence, « l'Epervière », vers 13:30, à proximité du bateau du couple français qu'ils ont rencontré à Lyon et retrouvé aux Roches-de-Condrieu.
Repas de midi tardif, annonce à la capitainerie, sieste, douches ... la visite de la ville sera au programme des prochains jours.
Entouré de yacht marins, « l'autre » donne l'impression de s'être égaré.








Vendredi 19 juin
Le vent du Nord s'est affaibli en soirée mais n'est pas tombé durant la nuit. Coincé entre deux grosses vedettes, le bateau n'a pas été ballotté. Au lever, le soleil et les nuages se partagent le ciel. Le vent du nord forcit. Il s'appelle désormais Mistral puisque Valence se présente comme la porte du Midi.
Le port de plaisance est situé dans la partie sud de la ville, à 3 km du centre. Il est possible d'accoster au quai du centre ville mais en acceptant alors la proximité immédiate de l'autoroute A7. Ils ont préféré un relatif éloignement du centre qu'ils pourront rejoindre en transports publics.
Depuis la construction de l'autoroute, une station de carburant de l'ancienne nationale 7 s'est reconvertie en pizzeria de quartier. Son architecture affiche encore fièrement la modernité des années glorieuses de l'automobile.
La matinée est consacrée au renouvellement des provisions dans le quartier du port ; l'après-midi, à une première visite du centre ville après l'incontournable sieste bercée par le mistral. Ils ont la surprise de croiser dans une petite ruelle du centre ancien les propriétaires de la péniche Wietske rencontrés aux Roches-de-Condrieu. La péniche est amarrée au quai du centre ville, sous l'autoroute. En raison de ses dimensions elle aurait eu des difficulté à trouver une place au port de plaisance. Quels espoirs fous plaçait-on dans l'autoroute pour construire celle-ci sur les quais du Rhône et couper la relation historique du centre-ville au fleuve ?
Ils apprennent que la fête de la musique est programmée au dimanche 21 juin, contrairement à Lyon où elle était annoncée pour le samedi 20 juin. Ils feront donc escale à Valence jusqu'à lundi.





Samedi 20 juin
Le mistral continue à souffler de manière plus soutenue encore que les jours précédents. Le ciel est entièrement dégagé ; quelques nuages le décoreront au cours de la journée.
Deuxième visite au centre ville. La liaison avec le centre ville est directe et peu onéreuse (1.20 € par personne). Une vaste zone piétonne occupe le centre ancien. Les commerces ne semblent pas s'ennuyer des voitures, pas même les petits commerces d'alimentation. Alternance de rues animées et calme, de ruelles étroites et de places arborées, d'architecture ordinaire et spectaculaire. Ils prennent le repas de midi à une terrasse d'un restaurant de la Place de la Pierre sous de généreux platanes qu'ici au moins on laisse s'épanouir.
A l'entrée du port de plaisance, un curieux bateau à moitié échoué contre la berge a pris sa retraite. Le guide fluvial leur apprend qu'il s'agit de «l'Ardèche», le dernier survivant des toueurs du Rhône.
Maman cygne et ses petits quémandent de la nourriture, de bateau en bateau.










Dimanche 21 juin
Le mistral a faibli : 18 km/h contre 35 la veille. Selon les prévisions météorologiques, il devrait encore faiblir demain. Le ciel est toujours dégagé. La fête de la musique se déroulera dans des conditions favorables.
Après un apéritif au son de la musique des Balkans, ils retrouvent une place sur une terrasse de la Place de la Pierre pour le repas du soir. On prend vite des habitudes. Il faut dire que la frondaison des platanes est agréable même après le coucher du soleil. Sur la scène d'à côté, un groupe folk-rock acoustique joue un répertoire qui leur est familier. Il est des lieux où même ailleurs on se sent chez soi. C'est le sentiment que leur laissera Valence.
Demain sera un autre jour. Ils reprendront la navigation. Ils ont décidé d'une étape jusqu'à Cruas : 33 km et 2 écluses. Une étape comme ils les aiment. La suivante sera par contre beaucoup plus laborieuse. : 80 km et 3 écluses jusqu'à Laudan l'Ardoise. Selon les informations obtenues, deux haltes fluviales sont hors service sur le tronçon : le port de Viviers est ensablé ; St-Etienne-des-Sorts a perdu son ponton. Ils n'auront pas le choix, ils devront naviguer toute la journée, à moins qu'un ponton inattendu ne leur offre l'hospitalité pour une nuit. Mais chaque chose en son temps. D'ici là, ils auront fait une escale à Cruas.




Lundi 22 juin
Le ciel est dégagé. Le vent est tombé. Ils larguent les amarres vers 8:30. Le paysage qui défile est contrasté : sites industriels liés au transport fluvial, centrale nucléaire et localités pittoresques où il n'est même pas possible d'accoster. Ils ont dû patienter environ une demi-heure à la première écluse pour laisser monter une péniche de commerce. Sinon ils ne croisent qu'une péniche et trois bateaux de plaisance, dont un petit voilier qui semble à la peine à considérer les faibles remous qu'il produit. Leur vitesse maximale varie entre 11 et 13 km/h. Ils ne sont pourtant doublés par aucun bateau. A la seconde écluse de l'étape, ils sont rejoints par un bateau anglais, « Kandalashka », un voisin de port à Valence, qui fera escale comme eux à Cruas où ils accostent vers 12:30.
Ils sont accueillis par le capitaine du port qui leur confirme qu'aucune halte n'est possible avant Laudun l'Ardoise. Ils ne veulent accepter la perspective d'une étape de 9 heures de navigation. Ils prennent contact avec la mairie de St-Etienne-des-Sorts qui les informe que le ponton vient d'être remis en service. L'étape ne sera plus que 60 km avec 2 écluses. Elle restera longue pour eux. Ils feront des pauses en patientant aux écluses. Selon les dernières prévisions météorologiques, des passages nuageux devraient calmer l'ardeur du soleil et le retour d'un vent du nord soutenu les aider quelque peu. Ils décident de ne faire escale qu'une nuit. En prolongeant l'escale, la prochaine étape ne sera pas plus courte, à moins d'attendre que la halte de Viviers soit désensablée.
Le capitaine du port les a informés de la présence d'une guinguette à quelques 200 m. Ils y prendront le repas du soir : moules-frites à volonté pour se faire plaisir avant l'étape du lendemain.











Mardi 23 juin
Lever à 6:00 en vue de la longue étape de navigation. Le ciel est couvert, le vent s'est levé. Les prévisions météorologiques annoncent un mistral soutenu avec des rafales à près de 60 km/h. Il estime que le mistral les aidera à avancer. Elle craint qu'ils soient gênés dans le pilotage lors des croisements de péniches et du passage des écluses. Ils décident d'attendre le lendemain pour reprendre la navigation et retournent sous la couette.
Conformément aux prévisions, le mistral se lève. Il souffle modérément, selon lui ; suffisamment fort pour entraver la navigation, selon elle. Quoiqu'il en soit, la prolongation de l'étape se justifiera par la visite de Cruas situé à 1.5 km du port. Le centre actuel de la localité est marqué par la présence d'une abbatiale du 12ème siècle. Dans la perspective de la rue principale, la centrale nucléaire occupe le paysage. Dominant la localité, l'ancien village médiéval : un site imposant, en cours de mise en valeur, mêlant ruines conservées et maisons réhabilitées, traversé par des cheminements aménagés avec une élégante sobriété. Au détour d'une ruelle, la centrale nucléaire rappelle sa présence pour éviter qu'on se perde dans une autre époque.
Deux bateaux se sont amarrés au port dans le courant de l'après-midi. Trois autres les rejoignent en début de soirée. Tous semblent soulagés de faire escale. Le mistral a forci. Elle a sans doute eu raison de reporter la reprise de la navigation. Sans le dire, il continue à penser qu'ils auraient pu le faire.
Ils sont entourés de vedettes qui reviennent de la mer ou la rejoignent. Le bateau n'aura jamais aussi bien porté son nom que sur le Rhône dans l'approche de la méditerranée.
Selon les prévisions météorologiques, le mistral ne devrait faiblir que dans l'après-midi du lendemain. Le surlendemain, il devrait être tombé. Ils prolongeront leur escale jusqu'à jeudi. L'étape sera longue, autant qu'elle soit calme.














Mercredi 24 juin
Le mistral souffle de manière soutenue. Les bateaux arrivés hier, qu'ils montent ou descendent, sont tous restés au port.
L'escale se prolongeant, ils vont au village compléter leurs provisions. Ils ne remontent pas au village médiéval. Le village d'en-bas a également conservé quelques ruelles pittoresques. Le Café du Centre n'existe plus qu'en peinture. Ici on a conservé l'ancienne gare qui affiche encore fièrement l'ancien logo de la SNCF. Chez eux, on démolit les anciennes gares, la conscience tranquille car l'esprit étroit, pour tout mettre aux normes et au goût du jour.
Depuis Valence, c'est le Midi. La végétation en témoigne.
Un indicateur de niveaux perdu dans les anciennes berges aujourd'hui aménagées en parc récréatif rappelle que le tracé du fleuve a été corrigé.
Météo-France prévoit un affaiblissement sensible du mistral pour demain (11 km/h) et un ciel ensoleillé. Il fera chaud pour la longue étape. Mais ils ne vont tout-de-même pas encore attendre une couverture nuageuse. Ils se réveilleront demain à 6:00 pour reprendre la navigation.









Jeudi 25 juin
Au lever, la température à bord est curieusement fraîche (15 degrés). Le ciel est entièrement dégagé, décoré par les panaches des tours de refroidissement de la centrale nucléaire. Certains bateaux reprendront la navigation aujourd'hui également. Ils semblent pour l'instant encore tous endormis. Ils vont plus vite que l'autre et peuvent se permettre de larguer les amarres plus tard.
Ils quittent le port à 7:20. Une demi-heure plus tard, ils sont déjà rejoints par une vedette. Ils sont distancés. Lorsqu'ils s'annoncent à l'écluse, la vedette qui les a doublés s'y est déjà engagée. Ils patienteront devant l'écluse environ une heure le temps que la vedette passe l'écluse et qu'un bateau-hôtel montant la franchisse. Lorsqu'ils s'engagent dans l'écluse, ils sont rejoints par deux autres bateaux qui ont quitté le port de Cruas après eux, Aroma et Calisma. Rien ne sert de partir tôt, il faut se présenter au bon moment devant les écluses. Ils en ont déjà fait l'expérience mais n'ont pas encore acquis la pratique. Au sortir de l'écluse, Aroma et Calisma les doublent. Par courtoisie, les vedettes naviguent à une vitesse qui permet à l'autre de garder le contact. Ils passent la deuxième écluse ensemble, celle de Bollène, la plus haute de tout le réseau navigable de France (22 m de chute). Quand on est au fond, les hauts bajoyers sont impressionnants et même inquiétants.
St-Etienne-des-Sorts, leur destination prévue, est en vue. Le seul ponton disponible est encombré par des zodiacs qui se prélassent sous des parasols. Aucune place libre et il n'est guère envisageable de s'amarrer à couple avec des zodiacs. Ils n'ont d'autre choix que de poursuivre la navigation dans le sillage d'Aroma et Calisma avec qui ils prennent contact par VHF. Ils feront escale avec eux à Laudun-l'Ardoise. Les deux bateaux sont attentifs à régler leur vitesse sur celle de l'autre. Ils passent ensemble la dernière écluse avant l'escale. Ils amarrent le bateau à 15:30. Ils ont fait l'étape dont ils ne voulaient pas : 8.25 h de navigation. Ils sont fourbus mais réconfortés par l'accueil chaleureux de Madame la Capitaine du port. L'étape harassante demande au moins un jour de récupération.








Vendredi 26 juin
Aroma et Calisma ont repris la navigation ce matin. Calisma empruntera le canal du Midi et le canal de Garonne, comme eux. Ils le rencontreront sans doute à l'occasion d'une prochaine escale.
Pour atteindre le port de l'Ardoise, en descendant, après la sortie de la déviation de l'écluse de Caderousse, on remonte sur 6 km le cours naturel du Rhône. Le port est aménagé dans une anse du fleuve qui n'est plus navigable au-delà. Il est à l'abri du trafic des péniches et des bateaux à passagers. Le port vaut une escale, non seulement pour la sympathique Capitaine, mais également pour le caractère pittoresque de l'endroit. Le port comprend une petite guinguette sur l'eau. Les pontons constitués de caissons métalliques sont d'un autre âge. Une petite pergola flottante et des places aménagées à l'ombre de la végétation de la berge sont à disposition des plaisanciers. Des anciennes installations témoignent d'une exploitation industrielle perdue de ce bras du fleuve. Les bateaux sont moins guindés. La cabane des oies remplace l'annexe au puissant moteur hors-bord. L'autre se sent plus à l'aise. Les yachts paradent sans doute sous le pont d'Avignon avant de rejoindre les ports de la Méditerranée. Le Ch'ti s'est échoué dans sa quête du Sud et repose désormais en paix sur la berge d'en-face.
Ils ont prévu reprendre la navigation le lendemain pour Avignon. Ce sera une étape ordinaire : 33 km et 1 écluse. Ils prennent le repas à la guinguette de la capitainerie qui, bien que faite de bric et de broc, sert une cuisine raffinée.












Samedi 27 juin
Ils quittent le port de l'Ardoise peu après 8:00. Sur les tronçons de l'ancien Rhône, préservés du trafic des grands gabarits, les pêcheurs s'installent. A l'approche de l'écluse d'Avignon, une péniche est en vue derrière eux. Ils la laissent passer pour franchir l'écluse à sa suite. Du moins c'est ce qu'ils espéraient. Lorsqu'ils s'annoncent à l'écluse, on les informe que la péniche transporte des produits dangereux et qu'elle doit passer l'écluse seule. Ils amarrent le bateau au ponton d'attente en amont de l'écluse. Après le passage de la péniche, durant le remplissage de l'écluse, un nouveau convoi se présente. Ils doivent à nouveau passer leur tour. Le convoi, composé d'une péniche poussant une barge, remplit l'écluse à lui tout seul. Si au jeu des écluses la pénalité « retour à la case départ » existait, elle serait pour eux, c'est sûr. Avant qu'ils puissent entrer dans l'écluse, après 1.5 heures d'attente, deux bateaux de plaisance les rejoignent. Ils doivent encore patienter dans l'écluse le temps qu'un troisième bateau de plaisance s'y installe. Celui-ci n'aura pas eu à attendre du tout. Après la sortie de l'écluse, ils se font rapidement doubler par les trois bateaux de plaisance. Qui pensait-il réconforter celui qui disait «les derniers seront les premiers» ?
Après la dérivation de l'écluse, il faut remonter le cours naturel du Rhône sur 3 km pour atteindre Avignon. Avec un vent contraire modéré, ils remontent le fleuve à 7 km/h. C'est un avant-goût de ce qui les attend l'année prochaine sur quelques 280 km. Avignon est en vue, avec, comme dans les autres localités d'une certaine importance, les péniches-logements de la périphérie, les bateaux-restaurants et les bateaux à passagers du centre-ville. Ils passent le fameux pont et amarrent le bateau, vers 13:00, le long du « Quai de la Ligne » équipé de bornes de branchement pour l'électricité et l'eau. Il reste une place libre. Ils auraient dû sinon s'installer sur un tronçon non équipé du quai et auraient été contraints de limiter l'utilisation du ventilateur pour ménager les batteries. 36 degrés à bord. Ils se réfugient au centre ville à la recherche d'une terrasse à l'ombre.
Ici à nouveau, ils doivent monter à quai et descendre à bord, même avec une certaine difficulté. Le quai est situé en contre-bas d'une route à quatre pistes, le périphérique d'Avignon. Au-delà de la route, l'enceinte de la vieille ville, et, adossé à l'enceinte, le « Grand bar de la marine » à la terrasse duquel ils prennent l'apéritif du soir. Les commentaires véhéments et colorés des joueurs de cartes couvrent le bruit du trafic. Ils sont dans le sud.






















Dimanche 28 juin
Ils n'ont pas été dérangés par le bruit de la route durant la nuit.
Il leur restera 38 km à naviguer jusqu'à l'embranchement du Petit Rhône et ensuite 25 sur le Petit-Rhône pour rejoindre le port de St-Gilles. Ce sera à nouveau une étape relativement longue pour eux. Les possibilités de faire escale sur le trajet sont incertaines. Ils seront sortis du Rhône et retrouveront un environnement plus adapté à leur bateau.
Ils rencontrent sur le quai un couple à bord du bateau Claire qui descend le lendemain vers la Méditerranée et qui leur propose spontanément de faire le trajet avec eux. Ils saisissent l'opportunité et reprendront donc la navigation demain de bonne heure. L'escale à Avignon aura été brève. Ils en feront une plus longue, la saison prochaine, lors de la remontée.
La chaleur est trop lourde pour apprécier la ballade en ville. Même l'ombre est épaisse et peu respirable. Il faut que les conditions extérieures soient extrêmes pour qu'ils préfèrent retourner à bord se poser sous les jets croisés des ventilateurs en attendant que le soleil se couche.
A St-Gilles, ils interrompront leur périple durant une semaine, le temps de rencontrer des amis de Provence.









Lundi 29 juin
Ils quittent le quai d'Avignon vers 7:30 à la suite de Claire. Peu après Avignon, le Rhône accueille la Durance. Ils doivent attendre 3/4 d'heure devant l'écluse de Vallabrègues/Beaucaire pour laisser monter un gros convoi composé d'une péniche poussant une barge. Il s'agit de la dernière écluse sur le Rhône. Elle est située à hauteur de Tarascon où il n'est pas possible de faire escale. Le Rhône poursuit son cours vers Arles où les places d'amarrages disponibles sont réputées particulièrement rares. Pour les plaisanciers, le Rhône c'est un peu "Circulez, il n'y a rien à voir".
Ils prennent l'embranchement du Petit-Rhône. Le gabarit de la voie d'eau se réduit. Les berges sont proches, mais hostiles. Une tentative d'amarrage conduirait à un échouage. Un chenal est par contre entretenu pour la navigation. Le Petit-Rhône donne accès au canal du Rhône à Sète via l'écluse de St-Gilles. L'écluse semble encore être aux dimensions de celles du Rhône en ce qui concerne la longueur et la largeur. Mais la chute n'est que de quelques 50 cm. Au sortir de l'écluse, le bateau qui les précèdent poursuit sur Sète. Eux, mettent le cap au nord et prennent l'embranchement en direction de Beaucaire pour rejoindre St-Gilles, leur destination d'étape. Du moins le pensaient-ils encore à ce moment-là.
Au port de St-Gilles aucune place n'est disponible pour une escale d'une semaine. Au mieux pourraient-ils trouver une place pour une nuit au ponton d'accès au gazole. On leur conseille de poursuivre la navigation jusqu'à Bellegarde. Ils prennent contact avec le port de Bellegarde qui est géré par la capitainerie du port de Beaucaire. Il sera possible de laisser le bateau à Beaucaire pour une semaine. Dans l'attente, ils passeront une nuit à Bellegarde. Après quelques aller et retour dans le port, ils finissent par trouver une place où glisser leur bateau avec quelque difficulté en raison d'un mistral soutenu. Ils est plus de 16:30. Ils ont quitté Avignon, il y a plus de 9 heures.
Demain, ils seront à Beaucaire. Et oui, à la hauteur de l'écluse du même nom qu'ils franchissaient sur le Rhône ce matin. En voulant faire escale à St-Gilles, ils auront fait sur l'embranchement du canal du Rhône à Sète le trajet qu'ils ont fait sur le Rhône, mais dans l'autre sens. Les lecteurs perdus peuvent se reporter à la carte pour y voir un peu plus clair. Que ces lecteurs se rassurent, ce fut une étape un peu confuse pour eux aussi. Il est temps qu'ils prennent des vacances sur terre ferme.












Mardi 30 juin
Le temps est toujours ensoleillé. Beaucaire est à environ 2.5 heures de navigation de Bellegarde. Ils larguent les amarres à 9:00. Ils franchiront leur première écluse à petits gabarits de la saison. Ils ont déjà passé plusieurs centaines d'écluses de toute sorte. Elle tient toutefois à se renseigner du mode de fonctionnement de celle-ci avant de partir. Elle est automatique sur commande des navigateurs. A l'approche de l'écluse, un petit ponton permet à une personne de descendre pour aller commander l'éclusage. C'est elle qui s'en charge ; lui reste aux commande du bateau. Elle n'a pas le temps d'atteindre l'écluse, que les portes s'ouvrent. Un éclusier les accueille, prend les cordes, amarre le bateau et actionne l'écluse. L'éclusage achevé, il leur propose un café. Il se présente : Laurent dit Lolo.
Le paysage change radicalement. La voie d'eau est étroite. Les hérons cendrés occupent les berges. Ils sont seuls sur le canal. L'exploitation commerciale y a disparu depuis longtemps, même si un site industriel est encore en activité sur le tronçon, et la saison des plaisanciers n'est pas encore vraiment lancée. Ils trouvent une place au port de Beaucaire, amarrent sans difficulté le bateau et prennent contact avec la capitainerie où ils reçoivent un accueil chaleureux. Ils peuvent conserver la place prise. Après l'étape confuse de hier, celle-ci est limpide.
Le port de Beaucaire est un cul-de-sac, depuis que l'écluse qui reliait le canal au Rhône est fermée.Dans l'après-midi, comme d'ordinaire en pareilles circonstances, ils se réfugient à l'ombre des ruelles et terrasses de l'ancienne ville.
Demain les amis de Provence passeront les chercher. Ils passeront une semaine de vacances chez eux. Le blog prendra en conséquence également des vacances.