Canal du Rhône à Sète (Beaucaire - Frontignan)

Mardi 7 juillet
Ils sont de retour à Beaucaire en fin d'après-midi, à la terrasse de la brasserie Le Nautic, à la même table que celle où leur amie de Provence était venue les retrouver, mercredi dernier. La parenthèse est fermée.
A bord, 39 degrés. Malgré une aération forcée à l'aide des ventilateurs, la température peine à baisser. Il faut dire qu'à l'extérieur la température est encore à 34 degrés. Les prévisions météorologiques annoncent la fin de la canicule. Par chance, ils auront traversé l'essentiel de l'épisode caniculaire à terre, à l'abri d'une maison accueillante, saoulés par le chant des inlassables cigales.
Des guirlandes lumineuses bleues, blanches et rouges, accrochées aux branches des arbres du quai, annoncent déjà la fête nationale du 14 juillet.
Le ventilateur ronronnera toute la nuit pour rendre supportable la chaleur accumulée dans la cabine.




Mercredi 8 juillet
La terrasse de la brasserie Le Nautic est devenue la leur. Ils y prennent le petit café de la mi-matinée et l'apéritif de la mi-journée après avoir renouvelé leurs provisions qu'ils compléteront au marché du lendemain.
L'après-midi, ils franchissent le pont sur le Rhône pour une visite de Tarascon. Beaucaire est situé sur la rive droite du Rhône ; Tarascon, sur la rive gauche. Le Tarascon de Tartarin d'Alphonse Daudet est plus pittoresque que Beaucaire. La cité provençale est bien évidemment marquée par quelques monuments dont le fameux château royal. Mais eux sont plus sensibles au caractère médiéval de l'ensemble : les ruelles étroites, les arcades et les petites places avec leurs terrasses ombragées. Les amis de l'ancien Tarascon signalent même les maisons où il ne s'est strictement rien passé.
Puisque demain est jour de marché, ils passeront encore deux nuits à Beaucaire, avant de reprendre la navigation.












Jeudi 9 juillet
Hier en fin de journée, le mistral s'est levé. Il a forci durant la nuit, soufflant en rafales. Il n'a pas été nécessaire d'enclencher le ventilateur.
Au matin le mistral souffle toujours de manière soutenue. Il devrait continuer à souffler ainsi toute la journée. Pas de souci, ils ont décidé de laisser le bateau à quai aujourd'hui. Hier en soirée, ils ont attaché le bateau aux voisins, afin de limiter les mouvements liés aux rafales de vent. Avec le mistral, la température est devenue supportable, même agréable, à bord. Si demain le mistral souffle encore aussi fort, ils devront reporter la reprise de la navigation.
En attendant, ils se rendent comme prévu au marché pour compléter leurs provisions de fruits et légumes. Les halles sont en cours de transformation pour accueillir le conservatoire. Le marché les a quittée et se tient désormais à l'extérieur, sur la place dominée par l'horloge des anciennes halles, bordée par un hôtel renaissance et des rangées de platanes.
Les cigales toujours présentes, se font plus discrètes. Les rafales de mistral calment leurs ardeurs. Cela fait longtemps, leur semble-t-il, qu'ils n'ont pu passer un après-midi de farniente à bord, poussés qu'ils étaient, par la chaleur accablante, à abandonner le bateau pour se réfugier à l'ombre alentour. Ils ne se priveront pas pour autant de l'apéritif au Nautic.





Vendredi 10 juillet
Le mistral a faibli. Ils pourront reprendre la navigation mais il fera chaud. Leur destination pour leur prochaine escale prolongée : Aigues-Mortes. La plupart ferait le trajet en une étape. Eux le feront en deux étapes en espérant pouvoir faire escale à Saint-Gilles où ils n'avaient pas trouvé de place le lundi 29 juin.
Ils larguent les amarres vers 10:15. A l'écluse de Nourriguier, Lolo les attend. Il n'a plus de café à leur offrir. Il a bu toute sa réserve. Ils se fraient un passage dans le port de Bellegarde où ils ont passé la nuit du 29 au 30 juin. Les ports sont pleins mais les bateaux bougent peu. Ils ne croisent que deux bateaux de plaisance. Cette fois-ci, ils trouvent sans trop de difficulté une place au port de Saint-Gilles. Une étape comme ils les aiment : trois petites heures de navigation pour 25 km et 1 écluse. Ils effectueront une étape à peu près équivalente pour rejoindre Aigues-Mortes demain : 27 km sans écluse.
Ils n'auraient pas remarqué la fin de la canicule si les bulletins météorologiques ne l'avaient annoncée. La chaleur à bord les pousse à chercher de l'ombre dans le centre-ville proche du port. Que dire de Saint-Gilles sinon que c'est une localité qui a dû connaître des jours meilleurs.












Samedi 11 juillet
Au matin, ils constatent, un peu surpris, que le bateau est recouvert d'une pellicule d'eau, comme en fin de saison. Bien que la température ait quelque peu baissé, la chaleur est lourde car humide. Ils sont en Camargue.
Une base de location est installée au port. Elle comprend un service de gazole. Ils décident d'en profiter pour compléter leur réserve de carburant et se présentent au ponton de la pompe à 8:30, heure d'ouverture de la base. Ils avaient oublié que la journée de travail débute ici par un café et que même le matériel prend son temps pour se réveiller. Il faut amorcer la pompe, la tapoter gentiment pour qu'elle accepte de reprendre du service. Ils sont servis par un anglophone à l'accent du sud. Il aura fallu trois bons quarts d'heure pour faire le plein de gazole. Ils quittent donc le port de Saint-Gilles vers 9:15.
Ils croisent plusieurs bateaux de plaisance, tous de location, qui doivent sans doute rejoindre leur base à Saint-Gilles, Bellegarde ou Beaucaire pour la fin de semaine. Le guide fluviale indique des haltes « nature ». Elles sont squattées par des bateaux-logements et des épaves. La tour à l'horizon annonce Aigues-Mortes dont elle est l’emblème. Le ponton d'accueil des bateaux visiteurs est situé au pied de la tour et des enceintes de la cité médiévale. Ils y amarrent le bateau après trois petites heures de navigation, comme prévu.
Après Saint-Gilles, le changement de décor est complet. L'ancienne cité fortifiée d'Aigues-Mortes est une destination touristique : de nombreux restaurants, avec les tables dressées dès l'après-midi, trop peu de bars, des commerces de produits « régionaux » et de souvenirs, des boutiques d'artisanat, des portraitistes de rue. Eux s'offriront un repas hors les murs. Lolo de l'écluse de Nourriguier habite Aigues-Morte. Il leur a donné des adresses.




















Dimanche 12 juillet
Ce matin, pas d'humidité sur le bateau, ou alors le bateau a déjà séché. Ils se sont levés tard. C'est une journée d'escale.
Une famille nombreuse de canards est en quête de nourriture auprès des bateaux. Le portraitiste de rue attend ses premiers clients sous la protection de St-Louis.
Une voie ferrée longe les enceintes et le port. Elle traverse la route et les chemins piéton à niveau ; le canal, sur un pont tournant. En position pour le train, le pont offre également un passage piéton. Ici, les différents modes de transports partagent le lieu en toute convivialité ; ailleurs, ils revendiquent des sites propres de manière quasi obsessionnelle. Quand ils disent « ailleurs », ils pensent « un plus plus au nord ». Le sud est dépaysant et ça fait du bien.
Malgré la chaleur, ils se décident à entreprendre quelques nettoyages à l'intérieur du bateau. Les escales servent également aux tâches ménagères.
En compensation, ils s'offriront un jour d'escale libre demain et ce soir ils mangeront dehors.






Lundi 13 juillet
Enfin, une légère couverture nuageuse. Encore faudrait-il qu'elle se maintienne durant la journée pour calmer les ardeurs du soleil.
Au milieu de la matinée, la ville fortifiée est déjà occupée par les touristes. Il suffit de s'écarter des rues marchandes pour sortir de la cohue. Le front de gauche a fermé boutique. Il n'avait sans doute plus assez de clients ici. Les affiches placardées contre la devanture continuent de militer en faveur des causes défendues, sous le regard terni du Che.
Parmi les boutiques pour touristes, quelques commerces de proximité ont réussi à se faire une place, dont un traiteur auquel ils ne peuvent résister. Ils prendront ce soir un repas aux fruits de mer à bord.
La couverture nuageuse n'a pas été très efficace, mais un vent constant a rendu la chaleur supportable.
Demain ils reprendront la navigation. Ils ont prévu deux étapes pour atteindre l'étang de Thau et le canal du Midi. Ils passeront les villes de vacances modernes, Carnon et Palavas-les-Flots, pour faire escale en nature à Magalone, escale recommandée par le propriétaire de la péniche Anima, recommandation confirmée par le capitaine du port. Ils devraient réaliser le trajet en quelques trois heures.





Mardi 14 juillet
Lorsqu'ils se préparent à larguer les amarres, la famille de canards est déjà en quête de nourriture. Ils quittent le port d'Aigues-Mortes vers 8:45.
La navigation est monotone. Ils croisent bien quelques plaisanciers, mais les talus des berges du canal cachent le paysage alentours à leur bateau trapu. Les berges ne sont agrémentées que de quelques quartiers de cabanons de pêcheurs, certains à l'abandon, d'autres reconstruits en dur et servant sans doute de maisonnettes de vacances. Ils ne peuvent entrevoir le paysage que de manière intermittente par les brèches des digues ravinées et effondrées. Le canal traverse de vastes étangs sur le fond desquels il a été creusé. Ils passent les stations balnéaires modernes de Carnon et Palavas-les-Flots, pour amarrer le bateau, comme prévu, à la halte de Maguelone, trois petites heures après avoir quitté Aigues-Mortes.
La halte est située face à l'ancienne cité, fondée sur une île au milieu des étangs, dont ne subsistent que des vestiges de l'ancienne cathédrale construite au 11ème siècle. Ils s'y rendent dans le courant de l'après-midi. L'île est actuellement occupée par un domaine vinicole. Ils profitent d'acheter une bouteille de vin blanc pour accompagner les fruits de mer au menu du repas du soir. Ils avaient pris la précaution d'en acheter suffisamment la veille à Aigues-Mortes. Depuis le site de l'ancienne cathédrale, ils aperçoivent la Méditerranée pour la première fois de leur périple. Pour accéder au site, ils ont emprunté une passerelle flottante et tournante pour franchir le canal. La passerelle est très fréquentée ; elle permet également d'atteindre les plages de la mer.
La halte n'offre pas de branchement pour l'électricité. Ils devront utiliser le ventilateur avec retenue.
Le rire des goélands a remplacé le chant des cigales.
Le feu d'artifice de Pavalas-les-Flots décore la nuit.























Mercredi 15 juillet
Par crainte de mettre à plat les batteries, ils n'ont pas branché le ventilateur. La chaleur a été lourde et la nuit moite.
Ils quittent la halte de Maguelone vers 9:30. La passerelle flottante tourne pour les laisser passer. Ils croisent leur première péniche commerciale sur le canal du Rhône à Sète, ce sera sans doute la dernière puisqu'ils approche de l’extrémité du canal. Les digues, plus basses et plus effondrées, dévoilent le paysage des étangs alentours. Les bandes de terre qui séparent le canal des étangs sont occupées par les cabanons de pêcheurs et les berges parfois par des bateaux-logements improbables.
Après environ 1.5 heures de navigation, ils amarrent le bateau à un quai de Frontignan. Arrêt technique : le pont routier qui franchit le canal, en aval du pont ferroviaire, est trop bas, même pour leur bateau trapu. Le pont ne se lève que deux fois par jour pour laisser passer les bateaux, à 8:30 et 16:00. Ils attendront 16:00 pour aller s'installer à la halte fluviale située juste après le pont. Dans l'attente, les bateaux s'accumulent devant le pont. Les places d'amarrage risquent d'être rares à la halte fluviale. C'est leur premier bouchon. Ils en connaîtront sans doute d'autres aux écluses du canal du Midi. Pour les faire patienter, Frontignan a organisé des joutes nautiques.
Après l'ouverture du pont, ils trouvent sans difficulté une place à la halte fluviale, derrière la péniche Lady Sue qu'ils avaient déjà rencontrée sur le canal du Nivernais en 2013.
Après les heures à attendre la levée du pont sous la chaleur, ils se rendent en ville à la recherche d'une terrasse à l'ombre et pour compléter leurs provisions. S'ils ne font escale qu'une nuit à Frontignan, ils relèveront pour mémoire la gentillesse des commerçants rencontrés et une curieuse composition architecturale dans la perspective d'une ruelle.