Canal du Midi (Port-la-Robine-Toulouse)

Lundi 3 juillet
Ils mettent le cap à l’Ouest, direction Toulouse, laissant le Rhône dans leur dos, pour l’instant.
Les épaves repérées l’année dernière s’accrochent encore et toujours aux berges. La cabane flottante a tenu le coup, bien que secouée par le passage des bateaux de location qui naviguent toujours trop vite.
Ils ont décidé de faire escale à Argens-Minervois. Ils trouvent une place en dehors du port, sous des platanes, le long d’une berge sauvage.
La «Terrasse du Port» est ouverte le lundi.






Mardi 4 juillet
«L’autre» se sent bien dans son écrin de verdure. Généreux, ils lui accorde un jour d’escale supplémentaire.
Le vent, qui hier violent gênait la navigation, est tombé. L’eau, qui clapotait sous le vent, est lisse. Même les roseaux sont immobiles. Après plusieurs jours de fort vent, ce début de journée est curieusement calme comme si le paysage retenait son souffle. Ils font la grasse matinée.
A tribord en montant, quelques cinquante mètres avant le port, un groupe de platanes résistent encore au chancre coloré, sans doute plus pour longtemps. C’est là que «l’autre» s’est abrité, entre deux bateaux inoccupés. Sur la berge d’en face, la nouvelle génération fait de son mieux.






Mercredi 5 juillet
Le ciel est couvert. Le vent s’est levé. Ce n’est pas la Tramontane, mais le vent d’Autan.
Elle n’aime pas naviguer par vent fort; «l’autre» non plus, qui par ailleurs apprécie de plus en plus son lieu d’amarrage. Ils attendront donc demain pour reprendre la navigation. On dit que le vent d’Autan souffle un jour sur quatre.
Les quelques platanes sous lesquels ils ont amarré le bateau sont marqués. Ils ne passeront pas l’hiver.




Jeudi 6 juillet
Ciel couvert et brise légère, les conditions sont idéales pour la navigation. Ils quittent Argens-Minervois vers 9:00.
Ils franchissent l’écluse double de Pechlaurier seuls. Ils apprennent qu’un bateau à passagers, la péniche Caroline, les suit. À trop grande distance toutefois pour qu’on leur demande d’attendre pour céder la priorité. Ils passeront seuls toutes les écluses de l’étape. Chance invraisemblable pour un mois de juillet sur le canal du Midi. A l’écluse d’Ognon, ils sont observés par des gardiens vigilants. A celle de Jouarres, ils trouvent tomates et figues fraîches. «Lady Sue» est toujours dans le sud. Ils la croisent à Homps. Ils l’avaient rencontrée sur le canal du Nivernais en 2013. Elle les avait guidé pour la traversé de l’étang de Thau en été 2015. L’abattage des platanes se poursuit. Des endroits ombragés qu’ils avaient indiqués sur leur guide fluvial ont disparu.
Ils amarrent le bateau à la Redorte vers 12:00. Trois petites heures pour douze kilomètres, deux écluses doubles et deux simples.






Vendredi 7 juillet
La péniche «Caroline», qui la veille avait retenu la horde des bateaux de location derrière eux, a passé la nuit à Homps. Elle les double à la Redorte en début de matinée.
Ils prolongeront l’escale d’une nuit. Ils ont réservé à la table de Riquet pour le repas du soir en terrasse sur le quai. Dans la journée ils rencontrent un couple improbable. Elle est espagnole; lui, portugais. Depuis 2008, le couple parcourt l’Europe sur les chemins de Compostelle, des pays de l’Est à la Grèce. Une autre forme de «Never Ending Tour». Elle profite de l’occasion pour exercer son espagnol. Qui va à la chasse perd sa place.
Le couple passera la nuit à la belle étoile à coté de «l’autre», avant de reprendre la route au lever du jour pour l’Espagne, via Toulouse. Peut-être se reverront-ils le long du canal du Midi.






Samedi 8 juillet
Le couple de pèlerins a déjà levé le camp lorsqu’ils quittent La Redorte vers 9:15.
L’écluse double de l’Aiguille est toujours peuplée des créatures de l’éclusier artiste. Ils croisent la péniche «Caroline» qui déjà est sur le chemin du retour. Un bateau s’accroche désespérément à la berge pour ne pas couler. Au pied de l’écluse triple de Fonfile, ils patientent une trentaine de minutes pour laisser descendre un groupe de trois bateaux de location. «L’autre» salue en passant un cousin d'Angleterre. Quelques tronçons du canal ont été épargnés par la campagne d’abattage. Au pied de l’écluse triple de Trèbes, ils décident de s’amarrer. Ils ont navigué plus de cinq heures et franchi trois écluses doubles, une triple et une simple pour une vingtaine de kilomètres.
Amarré devant eux le voilier «Triskell» a perdu son hélice. Ils assistent curieux mais impuissants aux opérations de sondage et dragage du fond effectuées par les occupants du bateau secondés par une connaissance. Pneus, pare-battages, vêtements et lunettes, mais pas d’hélice. «L’autre» offre l’apéritif à la valeureuse équipe. Demain matin des plongeurs interviendront.









Dimanche 9 juillet
La veille ils ont partagé le repas du soir, à bord de «l’autre», avec l’infortuné équipage de «Triskell».
Des bateaux anciens superbement restaurés, un voilier et un Narrowboat, les ont rejoint pour passer la nuit et franchir l’écluse triple de Trèbes dès son ouverture en début de journée. «Triskell» reste amarré par nécessité; «l’autre» également, par solidarité. Les opérations de sondage et dragage reprennent en vue de retrouver l’hélice de «Triskell». Malgré l’intervention d’une plongeuse, les recherches resteront vaines. Les pèlerins insolites rencontrés à La Redorte les ont rejoints mais ne pourront rien y faire. Ils ne sont pas sur les chemins de Saint-Antoine de Padoue.






Lundi 10 juillet
L’équipage a quitté «Triskell» par obligation professionnelle. «L’autre» tiendra compagnie au voilier encore un jour et une nuit.
Ils ont décidé de rester amarrés au pied de l’écluse de Trèbes. Les berges encore généreusement plantées de platanes offrent d’agréables places à l’ombre. «L’autre» apprécie qu’on s’occupe de lui de temps en temps. Ils acceptent un nettoyage extérieur dans le courant de la matinée.
Ils empruntent l’ancien chemin de halage, rassurent «Triskell» en passant, gravissent l’écluse-triple, longent la halte fluviale encombrée de bateaux qui cherchent vainement de l’ombre sous des platanes trop jeunes pour en donner et rejoignent les bistrots du bord du canal.





Mardi 11 juillet
De Trèbes à Carcassonne ils ont environ treize kilomètres à parcourir, une écluse triple, une double et quatre simples à franchir.
Il est 9:40 lorsqu’ils amarrent le bateau dans le premier bassin de l’écluse-triple de Trèbes. Trente minutes plus tard ils sortent du troisième bassin. Les terrasses des bistrots sont encore endormies. La circulation est plus dense. Ils franchiront les écluses avec deux bateaux de location et devront souvent attendre que les écluses se libèrent. Ils n’échapperont pas à la pause des écluses à la mi-journée. «L’autre» croise un grand-frère hissant pavillon australien. Entre bateaux de la même marque et même série on se salue cordialement. La péniche «Lôdelâ» offre le gîte. Les tronçons de platanes préservés sont plus fréquents.
Ils amarrent le bateau à Carcassonne vers 14:30. «L’autre» retrouve une place qu’il avait déjà occupée en été 2015, à l’ombre de platanes, avant le pont ferroviaire. Pour marquer les retrouvailles avec Carcassonne ils prennent l’apéro à leur terrasse préférée de la Place Carnot.









Mercredi 12 juillet
Ils avaient pris l’habitude des escales en nature. Dérangés par les bruits de la route, de la voie ferrée et des berges publiques, ils ont mal dormi.
Ils essayeront de trouver une place dans le port, un peu à l’écart du brouhaha urbain, même s’ils devront abandonner la protection des platanes. Dans l’attente, ils profitent de remplacer une bouteille de gaz à la station du garage Métropole au début de l’Avenue Jean-Jaurès, à quelques pas du canal. Pour rejoindre le port, ils ont une écluse à franchir. Un bateau de location heurte et brise le mât de drapeau arrière de «l’autre». Le mât est maintenant trop court pour conserver le drapeau du pays cathare qu’elle avait obtenu après des recherches patientes pour le placer en-dessous du drapeau français. Ils trouvent au port une place à côté des bateaux résidents. Pour l’instant, ils ne regrettent pas les platanes; le ciel est couvert et un vent agréable aère le bateau. Journée nonchalante, après une mauvaise nuit: terrasse à la brasserie Le Longchamp, sur la place Carnot, et séance au cinéma le Colisée.




Jeudi 13 juillet
En sortant du port, ils longent l’Hôtel Terminus qui ici a été conservé et s’engagent dans la ruelle piétonne pour atteindre la Place Carnot et leur terrasse au Florian.
Le marché s’est installé. Il partage la place avec une des scènes du festival de Carcassonne. Au fil de l’eau, ils ne sont pas dispensés des tâches ménagères ordinaires. Ils profitent des services du port pour laver leur linge sale. «L’autre» n’est bien évidemment pas équipé. Ils ne lui en tiennent pas rigueur. Il leur offre déjà cuisinière et réfrigérateur.
Ils passeront la soirée en musique sur la Place Carnot.






Vendredi 14 juillet
Hier soir, concerts sur la Place Carnot dans le cadre du festival de Carcassonne.
Ils se sont donnés une consigne: rédiger une notice et publier au moins une photo chaque jour dans leur carnet de bord. Il est des jours sans fait saillant, ni image particulière, des jours comme entre parenthèses ou en forme de points de suspension. Ces jours-là, ils apprécient d’avoir en réserve des images de la veille au soir.



Samedi 15 juillet
Le feu d’artifice du 14 juillet attire la foule à Carcassonne. Il est réputé être le plus spectaculaire de France, du monde diront ceux d’ici. Il a pour cadre la fameuse cité médiévale.
Ils ne se sont pas déplacés. Ils n’assistent aux feux d’artifices que lorsqu’ils y sont en quelque sorte contraints, lorsque le spectacle est visible du bateau. Il n’y aura pas de photos de la veille au soir pour sauver la notice du jour.
Il y a décidément trop de monde à Carcassonne en cette fin de semaine du 14 juillet. Il faut jouer des coudes dans la rue piétonne. Le petit orchestre ambulant se fraie difficilement un passage. Les terrasses de la Place Carnot sont pleines. Demain ils reprendront la navigation.



Dimanche 16 juillet
L’étape sera courte. Ils feront escale au restaurant la Rive-Belle installé dans la maison de l’écluse d’Herminis. Ils y avaient invité une passagère clandestine la saison dernière.
Ils larguent les amarres vers 10:30. A la sortie de Carcassonne, le canal est en tranchée. Les bateaux de location ne risquent pas d’accrocher leurs parasols sous les ponts. Le canal déroule ses méandres sous la voûte des platanes. La maison de l’épanchoir de Foucaud accueille un gîte pour les cyclistes et marcheurs. Ils patientent devant l’écluse la Douce pour laisser descendre le bateau passagers «Le Cocagne» et dans l’écluse pour attendre «l’Escargot Bleu» qui est annoncé derrière eux. Ils franchissent l’écluse d’Herminis et, dans la foulée, l’écluse-double de Lalande. A la sortie de l’écluse, ils amarrent le bateau sous des platanes. Ils ont mis près de deux heures et demie pour parcourir sept kilomètres et franchir 4 écluses. Ils prendront le repas du soir au bistrot de l’écluse d’Herminis.









Lundi 17 juillet
Hier il a fait chaud. Le thermomètre a flirté avec les 35 degrés. Il devrait en être de même aujourd’hui.
Leur prochaine escale sera Bram où ils doutent trouver une place à l’ombre. De plus le vent s’est levé. Ils n’aiment pas naviguer par vent fort. Autant rester encore un jour à Herminis. Ils sont amarrés en rive droite en amont de l’écluse-double de Lalande, sur la berge d’en-face du chemin de hallage. D’ordinaire ces berges, laissées à l’état sauvage, sont peu accueillantes. Ici, pour des raisons qu’ils ignorent, la berge est entretenue. Ils s’y installent en prenant leurs aises sans crainte de déranger cyclistes et marcheurs.



Mardi 18 juillet
Le vent n’a pas faibli depuis hier. Ils décident toutefois de reprendre la navigation, destination Bram et l’Île aux Oiseaux.
Ils ont tendance à associer les escales aux enseignes des bistrots qui jalonnent le canal.
Les platanes facilitent la navigation en protégeant non seulement du soleil mais également du vent. Et, depuis Carcassonne, les tronçons de platanes conservés sont plus fréquents et plus longs. «Adagio», un peu plus délabré que l’été dernier, repose en paix sous l’œil indifférent des chevaux. «Mr Pip» leur indique que la halte de Bram est proche. «La Pibale» s’est refaite une beauté. «L’autre» trouve une place au pied de la terrasse de l’Île aux oiseaux.
Ils ont parcouru 17 kilomètres et franchi 2 écluses en 2,5 heures.








Mercredi 19 juillet
Le vent souffle toujours. Ici on l’appelle le vent marin, le vent mauvais, celui qui amène le mauvais temps. Un vent à ne pas larguer les amarres.
Le port de Bram est situé à 1,5 km du village. Une piste cyclable séparée de la chaussée assure la liaison. Ils l’empruntent à pied. Pour moins de deux kilomètres, ils préfèrent la marche au vélo. Ils se souviennent que le mercredi est jour de marché. Les allées de platanes ne sont pas l’exclusivité du canal. Ici les routes les ont conservées. Les pigeons ont déserté l’ancien pigeonnier qui prend l’eau. Le restaurant n’a pas trouvé preneur. L’inscription à la mémoire de John Lennon s’est un peu effacée sous le vent mauvais.
Ils reprendront la navigation lorsque le vent faiblira.





Jeudi 20 juillet
Le vent mauvais a apporté l’orage et la pluie durant la nuit, puis s’en est allé en abandonnant quelques nuages encore menaçants.
Ils reprennent la navigation direction Castelnaudary. Ils envisagent faire escale à mi-chemin, à l’écluse la Peyruque. Ils auront six écluses à franchir sur neuf kilomètres. Des platanes manifestent leur présence de manière exubérante sans doute pour éviter d’être condamnés à l’abattage. Ils amarrent le bateau en amont de l’écluse de La Peyruque après quelques deux heures et demie de navigation fluide. A la maison éclusière, une céramiste tient boutique et sert des boissons et des tartelettes au citron faites maison.




Vendredi 21 juillet
Castelnaudary n’est qu’à sept kilomètres. Ils devront par contre franchir douze écluses pour une dénivellation d’une quarantaine de mètres.
«L’autre» se présente devant la première écluse à l’heure d’ouverture. Il fera la course en tête seul, échappé du peloton des bateaux de location. Les écluses l’accueillent portes ouvertes. Les platanes ne sont pas les seuls à dépérir. Un saule a perdu pied. La dernière difficulté de l’étape est la montée de Saint-Roch: un escalier de quatre écluses qui donne accès au grand bassin de Castelnaudary. Ils passent sous le Pont Vieux et amarrent la bateau au port à l’heure de l’apéritif, après deux heures et demie de navigation. Dans l’après-midi, les nuages oubliés par le vent marin se dissipent.
«L’autre» retrouve la péniche «Wietske» qui a passé l’hiver à Castelnaudary.








Samedi 22 juillet
Ils ont amarré le bateau en face de la capitainerie. Ils préfèrent s’installer sur la rive d’en-face, en face de la rue.
Lorsque les conditions d’ensoleillement ou d’accessibilité n’imposent pas la rive, ils choisissent celle d’en-face. En face, c’est plus calme; en face, ils prennent un peu de recul pour observer le lieu.
Hier le soleil couchant a mis le feu à la péniche «Wietske».
En sauvage, ils se lavent à l’eau froide. Les étapes sont trop courtes pour que le moteur puisse chauffer l’eau. Ils ne vont pas pour autant allonger les étapes. Le bateau branché sur l’électricité du port, ils profiteront de l’eau chaude sans compter. Ils feront une escale de quelques jours à Castelnaudary pour le plaisir de partager quelques moments avec les amis de la péniche «Wietske».




Dimanche 23 juillet
Un chanteur, accompagné d’une pianiste, interprète les grands titres du répertoire de Brel, Ferret, Reggiani. C’était la veille au soir sur la place de Verdun.
L’aménagement de la scène est sommaire. Les panneaux routiers et les rideaux métalliques des commerces fermés servent de décor. Le hasard a souvent le sens de l’humour. Le chanteur et la pianiste se sont installés sur la place réservée aux handicapés sans oublier de s’enregistrer. Mais l’interprétation est inspirée et le clavier de qualité.
Le ciel est couvert comme la veille. Ils ne s’en plaignent pas. Le bateau serait sinon exposé au soleil toute la journée. Comme d’ordinaire lors des escales prolongées, la journée sera oisive.



Lundi 24 juillet
La veille au soir, le Festival Convivencia faisait escale à Castelnaudary.
La scène est installée sur une péniche qui navigue sur le canal du Midi durant le mois d’août en proposant à chaque escale un programme différent de musiques du monde.
La pluie a épargné le concert. Elle s’est manifestée durant la nuit. Au matin, le ciel gris et menaçant invite à rester sous la couette. Ils se décident tout de même à aller au marché entre deux averses. Le vent se lève avec de fortes rafales. Le temps n’est pas à larguer les amarres. Ils prolongeront l’escale à Castelnaudary et profiteront du mauvais temps pour faire le ménage à l’intérieur du bateau.






Mardi 25 juillet
Le jour part en lambeaux sous les lumières du quai du port. C’était la veille à la tombée de la nuit.
Le ciel est toujours couvert. Les nuages lâchent une petite pluie pas bien méchante mais juste énervante. Le vent s’est un peu calmé. Ils attendront demain pour reprendre la navigation.
«L’autre» est toujours un peu rassuré lorsqu’il croise plus petit que lui. C’est rare mais ça arrive.
Au retour, s’ils cherchent de l’ombre, ils amarreront le bateau à l’abri de l’Ile de la Cybelle, aménagée pour protéger les péniches à vide qui, entrant dans le grand bassin, étaient collées contre le quai par la tramontane.




Mercredi 26 juillet
Ils larguent les amarres sous le crachin vers 9:15 h. Selon les prévisions, le ciel devrait s’éclaircir. Ce sera le cas.
Les écluses accueillent «l’autre» portes prêtes à s’ouvrir, si ce n’est ouvertes. Les platanes se tiennent les coudes pour lutter contre le chancre coloré. Il faut dire qu’ici ils sont coriaces.
Après avoir franchi l’écluse de la Méditerranée, ils s’engagent sur le bief de partage des eaux entre la Méditerranée à l’Est et l’Océan à l’Ouest. Ils sont au sommet du canal, à 189 m au-dessus du niveau de la mer. Ils amarrent le bateaux à l’approche du village Le Ségala vers 12 h, après de 2 h 45 min de navigation pour un peu plus de 10 km et 8 écluses.






Jeudi 27 juillet
Ils quittent Le Ségala vers 9:15 pour s’engager sous une voûte de platanes. Le canal est encore endormi. Les canards ont la tête sous l’aile.
Dorénavant ils descendent les écluses; d’abord celle de l’Océan, à la fin du bief de partage des eaux. Devant l’écluse-double d’Encassan, ils doivent patienter une bonne demi-heure pour laisser monter le bateau-passagers «Surcouf». Dans l’attente, ils sont rejoints par la péniche «Kanumbra». Il est Australien; elle, Suisse. Ils passeront ensemble les écluses suivantes. Des bateaux logements annoncent Gardouch où ils ont décidé de faire escale. Ils passent le port qui est au soleil et amarrent le bateau au pied de l’écluse, à l’ombre de platanes. La péniche «Kanumbra» poursuit sa route.
L’Estanquet a installé le bistrot dans la maison d’écluse et le bar dans le jardin.











Vendredi 28 juillet
Ils laissent derrière eux l’écluse de Gardouch et le bistrot l’Estanquet. Ils ont rendez-vous à l’écluse de Vic, à 21 kilomètres.
Ils s’organisent pour se présenter à la première écluse à 9:00. L’éclusière a fait la grasse matinée. Au fil de l’eau rien ne sert de courir, encore moins de partir à temps.
Le canal est désert. En près de quatre heures de navigation, ils ne croiseront aucun bateau. Peu après l’écluse de Mongiscard, «l’autre» réclame une pause pour le repas de midi et l’incontournable sieste. Il lui reste encore sept kilomètres pour atteindre sa destination. Les ponts de brique de terre cuite annoncent Toulouse, la ville rose. En amont de l’écluse de Vic, «l’autre» trouve une place devant la péniche-logement «Baladin», à un bateau de la péniche «Kanou II» avec laquelle il a rendez-vous. Le propriétaire du voilier «Triskell» qui a perdu son hélice à Trèbes y vit.








Samedi 29 juillet
Le port Saint-Sauveur de Toulouse est à dix kilomètres et deux écluses. Ils mettront tout-de-même deux bonnes heures pour l’atteindre.
Ils sont amarrés juste en amont de la première écluse à franchir. La seconde, celle de Castanet, est à moins de deux kilomètres. Le bistrot de l’écluse dresse déjà les tables pour le repas de midi. A la sortie de l’écluse, les marcheurs insolites rencontrés à La Redorte, puis à Trèbes, interpellent «l’autre». Ils rebroussent chemin. Ils ne vont plus à Saint-Jacques de Compostelle, mais à Jérusalem. Ils ne se croiseront sans doute plus.
Les bateaux-logements occupent la rive gauche sur plusieurs kilomètres, de manière quasi continue, jusqu’au centre de Toulouse. «L’autre» réduit la vitesse pour éviter de produire des remous. Avant de pénétrer dans le centre ville, le canal passe sur l’autoroute, dans une curieuse inversion de la chronologie.
«L’autre» trouve une place au seuil de la capitainerie du port.









Dimanche 30 juillet
Le canal a été construit hors les murs, en campagne. De cette époque, le canal, au centre ville, n’a conservé que le tracé.
Les berges bétonnées sont occupées par les routes. L’urbanisation a eu raison des platanes plus sûrement que le chancre coloré. Ici les arbres ne seront même plus remplacés.
Ils longent le Boulevard Riquet qui borde ce qui reste du canal pour atteindre la Place Saint-Aubin où le marché s’est installé à l’enseigne de L’instant Gourmand. Pour le retour au port, ils renoncent au canal au profit des rues et retrouvent les couleurs de Toulouse qui s’expriment même par temps gris.





Lundi 31 juillet
Le ciel est nuageux. Ils ne s’en plaignent pas. La capitainerie ne met le bateau à l’ombre qu’au milieu de l’après-midi.
Les prévisions annoncent le retour du soleil en début d’après-midi. En attendant, elle entreprend un nettoyage extérieur du bateau. Lui cuisine les produits du marché de la veille. Ils s’appliquent à inverser les rôles pour marquer une différence par rapport aux voisins. «L’autre» apprécie.
Ils apprennent qu’à Trèbes une équipe de plongeurs a retrouvé l’hélice de «Triskell». «L’autre» est soulagé. Celles et ceux qui ont manqué l’épisode peuvent retourner à Trèbes.
Après la sieste, la température à bord n’est plus supportable. Elle a des achats à faire au centre ville. Ils trouvent un peu de fraîcheur sous les parasols et brumisateurs des terrasses de la Place Saint-Georges.





Mardi 1er août
A la sortie du port, ils prennent la Rue de Tivoli, longent le Grand Rond sur un quart de cercle et s’engagent dans les Allées François Verdier.
Ils pénètrent dans le centre ancien par la Rue de Metz. Le portail de la cathédrale St-Etienne prend quelque liberté avec l’exigence de symétrie. Les façades allient l’ocre rouge des briques de terre cuite au bleu pastel des volets et ferronneries. Ils s’installent à une terrasse de la place de la Trinité sous une verrière art nouveau.
Le ciel est couvert et devrait le rester toute la journée selon les prévisions. Demain par contre le soleil devrait être de retour et avec lui la grande chaleur.





Mercredi 2 août
Comme prévu, le soleil est de retour. On annonce 35 degrés au plus chaud de la journée. Ils marcheront à l’ombre.
Dans la matinée, ils longent le canal en direction du nord. La voie d’eau n’est pas à l’aise, engoncée dans le paysage routier. A proximité de la gare de Matabiau, la Maison de la Violette tient boutique sur la péniche «Vulcain».
Dans l’après-midi, le soleil sature les ocres jaunes et rouges des façades de la place St-Etienne. La chaleur invite à franchir le porche de la cathédrale. La construction semble avoir hésité entre différents plans et présente d’énigmatiques désaxements. Même sous les platanes de la terrasse de la Buvette du Grand-Rond la chaleur est moite.







Jeudi 3 août
A Toulouse on trouve un bar pour toute heure. Celui du matin est à la Place des Carmes.
Ils s’y rendent pour le marché couvert qui n’est pas installé dans une halle à la Baltard, mais au rez-de-chaussée d’un immeuble à la Le Corbusier. Toulouse reste rose à l’ombre des étroites ruelles dérobées, des constructions en ruines aux contemporaines.
Toulouse est tournée vers la Garonne. Le canal du Midi a été construit dans son dos. Elle est radieuse côté fleuve, un peu boudeuse coté canal.









Vendredi 4 août
Une navette électrique gratuite circule au centre ville. Elle s’arrête à la demande.
Ce qui est impensable chez eux est réalisable ailleurs. Chez eux, les autorités ne regardent pas ailleurs. Savent-elles seulement qu’il existe un ailleurs et qu’ailleurs souvent n’est pas loin d’ici.
Ils prennent la navette à la Place St-Etienne à destination de l’extrémité occidentale du canal du Midi. La rencontre du canal du Midi et du canal latéral à la Garonne est marquée par les ponts jumeaux. La jonction du canal du Midi avec la Garonne n’existe plus. Il faut passer par le canal de Brienne, construit un siècle plus tard, aujourd’hui réservé aux bateaux à passagers. Sur le retour, ils quittent la navette à la Place St-Georges pour une pause sous les brumisateurs des terrasses. Sous les platanes des Allées François Verdier un marché de la brocante s’est installé.
Demain ils reprendront la navigation en rebroussant chemin. Ils ne s’engageront pas dans le canal latéral à la Garonne.







Samedi 5 août
Contrairement à ce qu’ils ont annoncé, ils ne largueront pas les amarres aujourd’hui.
Le ciel est couvert. La température a baissé. Ils décident de profiter de ces conditions pour une journée de farniente au port, une journée somnolente pour récupérer des nuits trop chaudes. Ils prennent leur temps pour le petit déjeuner, se préparent un espresso supplémentaire (trois au lieu des deux habituels). Ils ne l’ont pas encore dit, ils se sont équipés d’une nouvelle machine à espresso qui produit de petits cafés crémeux sans électricité, sur le gaz.
Le marché de la brocante des Allées François Verdier s’est installé pour la fin de semaine.





Dimanche 6 août
Comme dimanche dernier, ils se rendent au marché de Saint-Aubin. Une routine s’installe. Demain, c’est sûr, ils largueront les amarres.
La machine à café est exigeante en ce qui concerne la qualité de la mouture. Ils sont équipés d’un moulin manuel réglable avec précision. Encore faut-il trouver du café en grains. Dans les commerces ordinaires, on trouve un vaste choix de dosettes et de paquets de café moulu, rarement du café en grains. C’est sur les marchés qu’ils s’approvisionnent auprès d’artisans torréfacteurs. Au marché de Saint-Aubin les enfants s’initient aux percussions sur des airs de flûtes. Au retour, à mi-chemin, ils font une pause à leur terrasse du Bistrot du Matou.
Demain ils quitteront la ville rose où même les musiciens de rue sont dans le ton.