Saône, Canal du Centre (Verdun-sur-le-Doubs - Chagny et retour)

Vendredi 24 mai

Voilà deux jours qu’ils ont retrouvé «l’autre» à Seurre sur la Saône, sous le soleil.
Toujours sous le soleil, ils ont rejoint hier le port de Verdun-sur-le-Doubs où ils feront escale le temps de nettoyer le bateau encrassé par un long hivernage. Le temps, ils le prendront. D’autant plus qu’ils sont à l’aise à Verdun-sur-le-Doubs, un peu comme chez eux.




Samedi 25 mai

Hier en fin de journée, des nuages menaçants ont tenté d’occuper le ciel. Sans succès. Au réveil, seuls quelques nuages décoratifs traînent encore dans un ciel dégagé.
Le nettoyage du bateau avance bien. Les rangements à bord sont achevés. Il reste à compléter les provisions. Ils pourront larguer les amarres dès que l’envie viendra.
La terrasse du Café de Paris s’est installée au pied du clocher qui sonne les heures deux fois; la seconde pour les distraits qui ont oublié de compter les coups la première fois. Eux préfèrent la terrasse de la Capitainerie.
Dans l’après-midi, les nuages, profitant d’une inadvertance du soleil, reprennent possession du ciel, sans conséquence. Ils mangeront en terrasse ce soir.




Dimanche 26 mai

Ils ont hissé les pavillons et pourraient larguer les amarres. Mais ils ont envie de commencer en douceur et décident d’une journée de farniente, comme il se doit pour un dimanche. Les hirondelles, elles, ne chôment pas. Sur la berge, elles prélèvent la terre pour la construction de leur nid, sous le regard intrigué des grenouilles.
Avant de larguer les amarres, ils auront encore à compléter la réserve de gazole.




Lundi 27 mai

Ils sont encore à Verdun-sur-le-Doubs. Vous vous en doutiez?
A la rue de la République, un commerce de vins occupe en trompe l’œil la devanture abandonnée de l’ancienne Epicerie Centrale. Sur la Place de la Liberté, des livres en partage ont remplacé le téléphone obsolète.
Ils ont pris la décision courageuse de larguer les amarres demain pour Chalon-sur-Saône pour autant que les conditions météorologiques soient favorables; ils ne sont tout-de-même pas téméraires.






Mardi 28 mai

Hier en fin de journée, la pluie s’est mise à tomber.
Elle a persévéré toute la nuit sans pour autant importuner les moustiques. Au réveil, le ciel est couvert. Météo-France prévoit des averses et orages dès la mi-journée, des rafales de vent jusqu’à 60Km/h. La pluie brouille le paysage. Ils renoncent à larguer les amarres aujourd’hui. Le temps devrait s’améliorer demain.




Mercredi 29 mai

Ils quittent Verdun-sur-le-Doubs vers 9:15, sous une belle éclaircie.
Les pêcheurs sont déjà en activité; les péniches également. Un élégant voilier remonte courageusement vers la Suède. Lorsqu’ils passent sous le pont haubané de Bourgogne, ils savent que le port de Chalon-sur-Saône est tout proche. Juste en aval du pont Saint-Laurent, ils prennent à bâbord le bras de la Genise et amarrent le bateau au port après 2.5 heures et 25 km de navigation. Ils essuient quelques gouttes de pluie sans avoir eu besoin d’enclencher l’essuie-glace.







Jeudi 30 mai

Lorsqu’ils font escale, ils commencent par repérer leur terrasse.
A Chalon-sur-Saône, ils la trouveront sur la place Saint-Vincent, parvis de la Cathédrale, à quelques dix minutes du port. Ils empruntent la passerelle piétonne qui franchit le bras de la Genise, traversent l’Ile Saint-Laurent pour franchir le Pont du même nom et atteindre la place. Lors d'un récent voyage, ils ont pris l’habitude d’entrer dans les églises.
La ville prépare déjà le passage du Tour de France.





Vendredi 31 mai

Le vendredi à Chalon-sur-Saône, le marché s’installe au centre ville. Depuis la Grande Rue, il s’étire le long de la rue Aux Fèvres jusqu’à la Place Saint-Vincent où les places en terrasses sont rares. Ils s’y rendent sans oublier, comme d’habitude, de jeter un œil dans les ruelles dérobées. Lorsqu’ils rentrent au bateau, la journée est trop avancée pour larguer les amarres. Ils ne sacrifieront pas la sieste.
Sur le ponton, le canard s’étire avant de se décider à quémander de la nourriture auprès des bateaux.




 

Samedi 1er juin

Ils quittent le port de Chalon-sur-Saône vers 9:00.
Ils remontent la Saône sur deux kilomètres pour prendre à bâbord l’embranchement du canal du Centre. Une péniche rouille au soleil en attendant un improbable chargement. Une autre obstinée a déjà coulé à force d’attendre. En franchissant l’écluse de Crissey ils abandonnent la ville pour la campagne. Ils savent qu’à Chagny, le marché se tient le dimanche. Mais l’objectif est encore à onze écluses et une vingtaine de kilomètres. Ils décident, contre toutes leurs habitudes, de faire l’effort. Arrivés à Chagny, ils ignorent le port communal pour trouver une place à la base des Snaily, leur lieu d’amarrage habituel. Fourbus et courbaturés après 5.5 heures de navigation et 12 écluses montantes sur 22 kilomètres, ils n’ont pas le courage d’aller s’installer en terrasse au centre ville. Ils se servent un apéritif à bord sous 32 degrés.







Dimanche 2 juin

Ils auront besoin d’une escale de quelques jours pour récupérer de l’étape de la veille. Le franchissement des écluses montantes a laissé des traces. Elle ressent des douleurs à un poignet; lui, à une épaule. A Chagny, à la base des bateaux «Snaily», «l’autre» est toujours accueilli avec bienveillance par le nain fumeur de pipe. Dimanche est jour de marché; un marché renommé loin à la ronde. Sous les halles, les affiches électorales ont été abandonnées derrière les étals. Indifférents aux slogans déjà oubliés, les marchands exposent leurs produits sous les sourires figés des candidats.






Lundi 3 juin

La veille il a fallu attendre la tombée du jour pour trouver une température supportable.
Au réveil, le vent s’est levé. Les nuages cachent le soleil. La température devient agréable. Les acacias décorent généreusement de fleurs le canal et le bateau aussi. Eux, ingrats, balaient et aspirent. En début d’après-midi une petite pluie revancharde colle sur le bateau les pétales épargnés. Le pilote de la péniche-hôtel «Adrienne» a sorti son parapluie rose.






Mardi 4 juin

La pluie a été légère et de courte durée; juste le temps d’ouvrir un parapluie.
La journée s’annonce ensoleillée et la température à bord montera au-dessus de 30 degrés. Ils ont acheté de la toile de moustiquaire pour protéger la chambre des moustiques devenus agressifs. Le gérant de la halte fluviale cultive un petit jardin potager le long du quai. Il les invite à se servir. Elle se met à la couture; lui, au fourneau. Ce n’est pas aujourd’hui qu’ils largueront les amarres. Ils prolongent l’escale à Chagny.



Mercredi 5 juin

Ils sont perplexes.
Un avis à la batellerie annonce une insuffisance de la ressource en eau sur le canal du Centre. Le regroupement des bateaux aux écluses est imposé pour économiser l’eau. Un deuxième avis annonce une réduction du tirant d’eau. Ils devront interrompre la navigation vers la mi-juillet pour un petit mois. Cette pénurie d’eau, début juin déjà, les inquiète. Ils ne souhaitent pas retrouver «l’autre» échoué, bloqué sur le canal du Centre. Ils hésitent: poursuivre comme prévu sur le canal du Centre ou en sortir pour aller voir ailleurs? Dans l’expectative, ils prolonge l’escale à Chagny.
La devanture pastel a tiré le rideau dans l’attente d’un improbable repreneur. Ils connaissaient les poupées mais pas encore les maisons gigognes.





Jeudi 6 juin

Ils sortiront du canal du Centre tant qu’il est encore temps.
Hier en fin de journée, la péniche-hôtel «Jeanine» rejoint le port communal de Chagny pour la nuit. Elle s’engagera dans les écluses ce matin à 9:00 pour sortir du canal dont le niveau semble encore avoir baissé. Ils ont échappé à l’orage mais pas à la pluie.
Ils larguent les amarres à 10:00, laissant une heure d’avance à «Jeanine». Les écluses sont automatisées. Mais une oie attentive surveille les manœuvres. Cinq écluses plus loin, ils rejoignent la péniche-hôtel. Ils patientent, le temps de la laisser descendre et de laisser monter deux bateaux de plaisance intrépides qui ignorent les avis à la batellerie. «L’autre» prendra ses distances avec «Jeanine» en navigant désormais au ralenti. Ils amarrent le bateau à 14:30 à Fragnes, après 4.5 heures de navigation tranquille pour 12 kilomètres et 11 écluses descendantes.







Vendredi 7 juin

S’ils larguaient les amarres, «l’autre» resterait à quai.
Les prévisions de la météo se réalisent. Le vent s’est levé; un vent à déchirer les pavillons. Des rafales jusqu’à 80 km/h plaquent le bateau au quai. Ils n’ont pas le choix; ils prolongent l’escale à Fragnes.
Un avis à la batellerie annonce une nouvelle réduction du tirant d’eau à 1.40 m sur le canal du Centre. La pluie de la fin de journée n’y changera rien. Demain ils retrouveront la Saône. Selon les prévisions météorologiques, les conditions de navigation seront favorables.



Samedi 8 juin

Ils reprennent la navigation sous un ciel bleu sans plis, lavé et repassé durant la nuit. Ils peinent à y croire après la journée venteuse, pluvieuse et fraîche de la veille. Ils ont quitté Fragnes vers 8:15 pour se présenter avant 9:00 devant l’écluse de Crissey. Ils patientent pour laisser monter deux bateaux de location qui rejoignent sans doute leur base sur le canal du Centre. A la sortie de l’écluse ils rejoignent la Saône; la remontent sur une vingtaine de kilomètres et s’engagent sur le Doubs, à tribord après le pont de Bragny. «Jeanine» qui a quitté le canal du Centre avant eux attend ses hôtes. Vers midi, le port de Verdun-sur-le-Doubs est en vue.







Dimanche 9 juin

Ils sont de retour à Verdun-sur-le-Doubs, presque à la case départ.
Ils envisageaient rejoindre le canal latéral à la Loire par le canal du Centre. Ils sont ressortis du canal du Centre en raison de restrictions de navigation liées à une pénurie d’eau. Depuis, ils ne savent trop où aller. Ils navigueront au gré des circonstances. Aujourd’hui, les circonstances invitent à prolonger l’escale. Le gris a remplacé le bleu de la veille; une petite pluie, le soleil. Une ambiance pour nénuphars. A moins que les nénuphars aussi préfèrent le soleil.



Lundi 10 juin

C’est une journée dont ils n’ont rien à dire.
Une journée pluvieuse où l’eau est aussi terne que le ciel, aussi immobile que le temps. Les nénuphars sont chagrins et les grenouilles muettes. Les bateaux qui ont fait escale la veille restent à quai dans l’attente de conditions meilleures. «L’autre» aussi.



Mardi 11 juin

Au réveil, la pluie continue de tomber avec une obstination agaçante. La terrasse de la Capitainerie est déserte.
Le trajet sur le canal du Centre a tourné court. Depuis, ils ont décidé de naviguer au gré des circonstances. «L’autre» commence à s’impatienter à quai. Selon les prévisions, le soleil sera de retour demain. Les péniches «Anima» et «Wietske», rencontrées au fil de l’eau, font escale à Saint-Jean-de-Losne. «L’autre» larguera les amarres demain matin pour aller les saluer.