Canal de Bourgogne (versant Saône)

Lundi 17 juin
Le canal de Bourgogne se prend à Saint-Jean de Losnes. Seurre est relié à Saint-Jean de Losnes par un canal de dérivation : longue ligne droite fastidieuse de plus de 10 km.
Les écluses du canal de Bourgogne sont fermées entre 12 :00 et 13 :00. Arrivés vers 12 :15 à Saint-Jean de Losnes, ils doivent patienter avant de s’engager dans le canal. Peinant à trouver une place à la halte nautique, ils s’amarrent au ponton d’une station de gazole et profitent de compléter leur réserve de carburant. Les occasions de pouvoir le faire sans avoir à transporter des bidons sont rares.
Le tronçon du canal jusqu’à Dijon est rébarbatif : grande ligne droite de près de 30 km. Ils décident d’en parcourir environ la moitié et s’amarrent, en sauvage, en fin d’après-midi à Longecourt, à l’ombre des arbres du chemin de halage. 14 km et 7 écluses en 4 heures environ. 3.5 km/h c’est une bonne moyenne pour le canal de Bourgogne.

Le trajet a été réalisé sous un soleil de plomb : 38 degrés à bord au moment de l’amarrage. Et dire que l’on se plaignait du temps froid et pluvieux il y a quelques jours à peine.
Les chapeaux sont de rigueur. Sur le pont, avant une écluse, elle perd le sien emporté par un coup de vent. Impossible de le récupérer avec la gaffe avant d’entrer dans l’écluse. Dommage, c’était le chapeau qu’elle avait acheté à Chalon-sur-Saône avec le parrain et la marraine du bateau.

Mardi 18 juin
Ils reprennent la navigation vers 13 :30 avec l’intention d’atteindre Dijon vers 18 :30 h.
Ils s’étaient amarrés avant l’écluse de Longecourt. Pour prendre l’écluse ils doivent laisser passer un bateau de croisière fluviale taillé sur mesure pour le gabarit du canal Bourgogne (pas un centimètre de perdu).

3 heures plus tard, à quelques 9 km encore de Dijon, assommés par la chaleur ils décident de s’arrêter et de faire le reste du trajet le lendemain. Ils n’ont avancé que de 7 km ; moins de 2.5 km/h de moyenne. Il faut dire qu’ils ont franchi 8 écluses.
Amarrage quelques 100 m après l’écluse de Petit Ouges, à l’ombre bienvenue d’un épais rideau de grands arbres.
Deuxième nuit hors halte ou port. Heureusement que le réfrigérateur a été réparé et fonctionne en mode gaz. Par contre tant pis pour le pain frais. Demain, au petit déjeuner, ils devront entamer la réserve de pain grillé.
Ils s’empressent d’ouvrir le toit afin d’aérer le bateau.

Ils ont à peine le temps de se réjouir de passer la fin de journée et la nuit au calme d’une nature accueillante qu’ils sont agressés par le vrombissement de réacteurs d’avions. Un aérodrome, sans doute militaire, est situé à moins de 2 km du canal. Maintenant installés, ils n’ont pas le courage de se déplacer. Ils se rassurent en pensant que les vols cesseront la nuit, lorsqu’un gros bateau de croisière fluviale a la mauvaise idée de s’amarrer à proximité de leur bateau et de polluer l’ambiance avec sa génératrice. Contrairement aux vols d’avions sporadiques, la génératrice tourne en permanence et risque bien de tourner une bonne partie de la nuit.
Au coucher de soleil, une pluie annoncée apporte un peu de fraîcheur et couvre le bruit de la génératrice.

Mercredi 19 juin
La pluie aura été de courte durée et ils auront été « bercés » toute la nuit par le bruit de la génératrice du bateau de croisière fluviale amarré à proximité dont les lumières ont éclairé la nuit jusqu’à l'aube.
Ils se présentent à la première écluse à 9:00.
Toujours le même tracé rectiligne articulé verticalement par les marches des écluses.


Ils approchent de Dijon. Le caractère de la banlieue est marqué sur le canal également par la présence de bateaux-logements.


A la sortie de la dernière écluse, l’eau est encombrée d’algues. Le régime du moteur baisse soudain. Accélération en marche avant et marche arrière pour tenter de dégager l’hélice. Sans succès.
Ils s’amarrent au port de Dijon à 11:30 : 2,5 heures pour 9 km et 7 écluses, soit une vitesse moyenne d’environ 3.5 km/h.
Ils tenteront de dégager l’hélice à leur départ de Dijon. Celles et ceux qui ont lu le carnet de bord du canal du Centre (2012), auront appris que leur bateau n’est malheureusement pas équipé d’une trappe d’hélice. Si nécessaire, il faudra faire appel à un plongeur.
Ils prévoient stationner quelques jours à Dijon, pour prendre le temps de visiter la ville et, en particulier, profiter des manifestations de la fête de la musique du 21 juin.

Jeudi 20 juin
Il a plu toute la nuit. La température a été supportable. La pompe de cale s’est enclenchée à plusieurs reprises. Celles et ceux qui ont lu le carnet de bord du canal du Rhône au Rhin (2011) savent déjà que la pluie pénètre par des voies secrètes dans la cale du bateau. Mieux vaut que ce soit l’eau de pluie que celle des canaux et rivières.
Au matin, ils constatent que « Jeanine » les a suivis ; il s’agit du bateau de croisière fluviale rencontré la veille. Le bruit de la pluie aura couvert celui de la génératrice de « Jeanine ».

Après un lever en douceur, ils procèdent à un premier repérage du centre ancien de Dijon sous un ciel incertain. Le premier contact invite à une découverte plus attentive d’un riche patrimoine architectural. Ils resteront à Dijon sans doute jusqu’à dimanche.
Ils se sont amarrés à proximité d’une péniche-bar en considérant ce voisinage sympathique. Ils n’avaient pas pensé aux sorties de bar. Un client pas très frais a tenté de décrocher la bouée de leur bateau en les réveillant en sursaut au milieu de la nuit. Pas assez lucide, il a échoué dans sa tentative, heureusement sans tomber à l’eau.

Vendredi 21 juin
Les nuages se retirent. La journée sera plutôt ensoleillée. La température a baissé. Les conditions sont idéales pour une visite de la ville.
Le patrimoine architectural du centre ancien impressionne par sa diversité et la qualité de sa conservation : du moyen-âge au début du 20ème siècle.
Quelques illustrations vaudront mieux que de laborieuses descriptions.








Et le centre possède bien évidemment son marché couvert, ses halles. On ferait bien de se référer à ces constructions pour concevoir des alternatives aux improbables et stériles supermarchés.

Les scènes de la fête de la musique se sont installées dans le décor somptueux de l’architecture du centre ancien.



Samedi 22 juin
Ils ont à nouveau été réveillés en sursaut, au petit matin, par un fêtard attardé qui frappe leur bateau pour se défouler.
Le port n’étant pas encombré, ils déplacent leur bateau à un emplacement qui leur semble plus « abrité », pour leur dernière nuit à Dijon.
Ils ont devant eux une journée qu'ils veulent sans programme. Prendre le temps s'impose comme une nécessité, celle d'une revanche sur le temps d'avant, le temps où le temps était pris, compté.
Lorsqu’on renonce à établir un programme, les autres s’en chargent.
Une jeune femme s’annonce à leur bateau : « Nous sommes en panne. Notre bateau est à quelques 700 m en amont. Pouvez-vous venir nous remorquer jusqu’au port ? ».
Ils ne sont pourtant pas les seuls au port. Il faut croire que le caractère du bateau laisse penser que les propriétaires sont sympathiques.
Ils acceptent volontiers leur première mission de dépannage.
Le jeune couple en panne réside à Dijon ; son bateau est amarré à l’année au port. Il testait le bateau avant de naviguer pendant les vacances de juillet. Il aura sans doute juste le temps d’effectuer la réparation avant les vacances.
La mission de dépannage aura permis de vérifier le bon fonctionnement du bateau avant la reprise du voyage le lendemain. Plusieurs accélérations en marche avant et arrière. L’hélice semble être dégagée.
Ils retrouvent au port la place qu’ils avaient quittée et inaugurent pour le repas du soir un grill « d’intérieur » que leur fille cadette leur a offert.

Dimanche 23 juin
Prochaine étape : Pont d’Ouche. Ils s’y étaient déjà arrêtés, il y a 4 ans, lorsqu’ils avaient amené le bateau qu’ils venaient d’acquérir de Migennes à Verdun-sur-le-Doubs. Ils gardent du lieu le souvenir de la tenancière du port : une britannique ronde et souriante qui, comme d’autres compatriotes, a été attirée par le domaine fluvial de France.
Il leur faudra deux jours de navigation.
Le temps est couvert et la température a baissé : 16 degrés lorsqu’ils quittent Dijon à 9:00. Ils ont enduré plus de 36 degrés il y a moins de 5 jours.
Le canal perd de sa rigidité et prend même des allures de rivière.
Arrêt forcée à 12:00 pour raison de pause repas. Les écluses sont fermées entre 12:00 et 13:00. Le bateau reste amarré à l’intérieur de l’écluse en attendant la reprise de l’activité. L’ancienne maison d’éclusier accueille un petit restaurant, une crêperie. Ils y dégustent une galette en guise de repas de midi.

Ils amarrent le bateau en pleine nature vers 16:30 à l’approche de Ste-Marie-sur-Ouche.
Ils ont parcouru 21 km et franchi 18 écluses en 6.5 heures. Vitesse moyenne : guère plus de 3 km/h.

Lundi 24 juin
Ils se sont couchés avec les oiseaux, même un peu plus tôt. Ils se sont levés avec eux, même un peu plus tard. Ils avaient oublié qu’en pleine nature la nuit peut être aussi silencieuse.
Ils reprennent la navigation dès l’ouverture des écluses à 9 :00.
Après la pause incontournable du repas de midi, ils amarrent le bateau à Pont d’Ouche à 15 :30. Ils ont parcouru environ 17 km et passé 17 écluses en 5.5 heures. La vitesse moyenne se confirme : 3 km/h.

Le port est situé à la sortie de l’écluse 20. Les écluses sont numérotées depuis le sommet du canal jusqu’à St-Jean-de-Losnes. Ils les remontent donc en compte à rebours. Depuis le début du canal ils ont franchi 56 écluses. Il leur en reste 20 à franchir jusqu’au sommet du canal.
La tenancière du port est fidèle au poste, toujours aussi accueillante. A l’enseigne « chez Bryony » : un petit magasin de conserves et boissons, avec quelques fruits et légumes, un bar, la possibilité de commander le pain frais pour le lendemain et une machine à laver le linge. Tout ce qu’il faut pour se poser agréablement un moment.

Mardi 25 et mercredi 26 juin
Juste avant le port, le canal franchit la rivière Ouche sur un pont.
Pont d’Ouche, c’est un pont-canal, moins de 10 maisons, un viaduc de l’autoroute A6 et le petit port fluvial « chez Bryony ».
Ils profitent de leur escale pour achever le nettoyage intérieur du bateau, laver un lot de linge sale et faire le plein d'eau.
Sinon, siestes, lectures et nonchalance.
Lors de leur escale, trois bateaux seulement se sont amarrés : les navigateurs étaient anglais pour deux bateaux ; suisses allemands, pour le troisième. Un des bateaux était leur voisin à Dijon. Le trafic sur le canal de Bourgogne est particulièrement réduit.
Le ciel est changeant : prédominance des nuages, mardi ; du soleil, mercredi. Les températures sont déjà automnales : 12 degrés le matin et 22 au plus chaud de la journée. Et pourtant on vient de fêter en musique l’arrivée de l’été. Cette année les saisons sont décidément indécises.
Si, en des circonstances des plus improbables, vous passez par Pont d’Ouche, n’oubliez surtout pas de transmettre à Bryony les salutations de l’autre.

Jeudi 27 juin
Ils ont décidé de larguer les amarres vers 9:30, le temps de retirer, dès 9:00, chez Bryony, la baguette et les croissants commandés la veille.
Le moteur a de la peine à démarrer, malgré un préchauffage consciencieux. Après plusieurs essais, le moteur est sans doute « noyé » et la batterie faiblit. Pause d’une demi-heure avant une nouvelle tentative, cette fois-ci fructueuse. Il est 10:00.
Ils ont le projet de s’amarrer pour la nuit au sommet du canal, à Pouilly-en-Auxois. Selon le personnel des écluses, ce sera possible, compte tenu du faible trafic.
A l’approche du sommet, les écluses se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu : moins de 400 m entre les écluses. On passe plus de temps dans les écluses qu’entre les écluses et la navigation devient un exercice physique.
Avant d’arriver à destination, il faut encore franchir un dernier ouvrage, un tunnel long de 3.3 km : la voûte de Pouilly-en-Auxois. L’éclusier en poste à la dernière écluse délivre un bon de passage, remet une radio, vérifie que l’équipement requis est à bord : gilets de sauvetage, extincteurs, éclairage.
La voie est à sens unique. Ils doivent patienter une demi-heure avant de pouvoir s’engager. Le tunnel est précédé et suivi de tranchées d’accès.






Amarrage à Pouilly-en-Auxois vers 16:30.
Ils ont franchi 19 écluses et un tunnel sur 17 km en 5.5 heures environ (déduction faite de la pause de midi), à une vitesse moyenne de 3 km/h.


Vendredi et samedi 28 et 29 juin
Temps gris et pluvieux. La météo annonce le retour du soleil pour dimanche, reprise de la navigation.
En attendant, renouvellement des réserves alimentaires, remplacement d’une bouteille de gaz et acquisition d’un petit chariot pliable facilitant le transport des achats.
Des accalmies, entres les épisodes pluvieux, autorisent des visites de la localité.


C'est l'occasion de s'instruire sur l'histoire du canal.
Le canal a été inauguré en 1832. C'est dire qu'il a très vitre été concurrencé par le chemin de fer et qu'il n'a en conséquence jamais joué un rôle important dans le transport des marchandises. Concurrencé également par le transport routier, il est désormais le domaine exclusif de la navigation de plaisance. Dans les premières années du canal, il fallait six hommes pour tirer une péniche à travers le tunnel. La traversée prenait jusqu'à 10 heures. Un remorqueur à vapeur fut introduit à la fin des années 1860. La fumée était si dense qu'un marinier est décédé par asphyxie. Les remorqueurs à vapeur ont été remplacés dans les années 1890 par un modèle électrique. Ce dernier "toueur" est exposé à sec dans un hangar sur le port de Pouilly.

C'est également l'occasion de faire le point.
Sur le versant côté Saône, le canal parcourt 86 km et franchit une dénivellation de 199 m à l’aide de 76 écluses. Côté Yonne, il faudra parcourir 156 km, franchir 113 écluses pour une dénivellation de 300 m.
Ils se souviennent que certains lecteurs ont souhaité pouvoir visualiser le trajet parcouru. C’est chose faite. Ils actualiseront dorénavant la carte reproduite sous l’onglet « Itinéraire ». Ce faisant, ils constatent qu’en 2 semaines ils n’ont guère avancé. Ils ont le sentiment qu’ils devront accélérer le mouvement s’ils entendent rejoindre Verdun-sur-le-Doubs fin août en passant par le canal du Nivernais et celui du Centre.
Ils constatent qu'ils n'ont pas encore parlé des écluses. L'escale au sommet du canal est l'occasion de le faire.
Sur le canal de Bourgogne, les écluses sont manuelles. Toutefois du personnel VNF (Voies navigables de France) assure leur fonctionnement. Les navigateurs n’ont qu’à amarrer le bateau. Pour ce faire, dans les écluses ascendantes, il faut malgré tout grimper à l’échelle pour atteindre un bollard. Les lecteurs des carnets de bords antérieures, savent que les rôles ont été distribués : elle à la corde, lui à la barre.




A certaines écluses le personnel VNF propose aimablement de prendre la corde; il suffit alors de la lancer sans avoir à sortir du bateau.
Arrivés au sommet du Canal de Bourgogne le plus dur est fait. La descente sera plus agréable quand bien même une succession de 4 échelles d’écluses les attend.
A la descente, les bollards sont atteignables depuis le bateau. Plus besoin de monter à l’échelle pour les atteindre. Le bateau n’est plus chahuté par les remous de l’eau de remplissage.
Les écluses rythment le trajet qui serait peut-être sinon un peu fastidieux. Elles donnent l’occasion de faire un peu d’exercice. Elles invitent aux commentaires sur le caractère des éclusières et éclusiers rencontrés : la souriante, le grincheux, le prévenant, l’indifférente, …