Canal de Garonne (Toulouse - Castelsarrasin)

Jeudi 20 août
Pour leur premier jour complet à Toulouse, ils décident d'une visite, un peu au hasard, du centre ancien de la ville, pour prendre l'ambiance du lieu, comme ils aiment le faire.
Ils longent le canal en direction du nord depuis le port Saint-Sauveur. Il faut beaucoup d'imagination pour se représenter la campagne dans laquelle le canal a été construit. Les routes ont remplacé les chemins de hallage. Le caractère des berges du canal, plus de trois fois centenaire, est marqué par l'architecture un peu arrogante du dernier quart du 20ème siècle. Même si certains tronçons ont conservé des plantations, ce n'est définitivement plus le canal du Midi. Ils doivent se faire à l'idée qu'ils ont quitté le canal sur lequel ils ont passé plus d'un mois ; ils sont à Toulouse. Ils abandonnent le bord du canal et prennent à gauche en direction de la Halle aux Grains pour flâner dans la « ville rose ». L'architecture « art nouveau » et « art déco » reste dans le ton de celle du 19ème. Ils passent le chevet de la Cathédrale St-Etienne et s'engagent dans les ruelles du centre ancien prêts à se laisser surprendre. Surpris, ils le seront notamment par des constructions à pans de bois remontant vraisemblablement au 15ème ou 16ème siècle. La couleur terre cuite des briques apparentes, des enduits et badigeons, alliée à celle gris olive et lavande des volets, menuiseries et ferronneries, donne au lieu un caractère particulièrement chaleureux. Ils reviennent au port par les Allées Verdier et l'Allée Paul Sabatier, le regard toujours attiré par l'architecture « art déco » à laquelle la brique de terre cuite, ici incontournable, convient bien.
Ils prennent le repas du soir au bistrot « Les Amis du port » qui jouxte la capitainerie.






















Vendredi 21 août
Dans la matinée, ils rejoignent les Allées Frédéric-Mistral pour entrer dans le Jardin des Plantes. Toulouse n'est pas que rose ; elle est également verte. Après avoir traversé le Jardin des Plantes, ils empruntent la rue Ozenne. Une allée d'arbres offre son ombre aux façades de briques. Les motifs de l'architecture 1900 dialoguent avec les feuillages. A la place des Carmes, les arbres réconcilient des architectures opposées en des collages improbables.
Ils traversent le centre ancien en direction du Couvent des Jacobins. Ils empruntent d'autres rues que la veille. Les façades présentent toujours la même palette séduisante de couleurs. Une boutique a même fait du bleu pastel son exclusivité. La visite de l'église du Couvent des Jacobins est incontournable. La complexité de la géométrie des voûtes du 13ème siècle est spectaculaire. Elle laisse perplexe quant à l'art de construire d'aujourd'hui. Après le repas de midi, pris à la terrasse du Bistrot du Coin, ils rejoignent la Garonne et longent les quais entre le Pont St-Pierre et le Pont Neuf avant de retraverser le centre ancien pour rejoindre le port, comme la veille, par les Allées Verdier.
Sur le quai d'en-face, deux immeubles du 19ème font de la résistance.
Ils passeront la fin de semaine, sans doute un peu plus, à Toulouse.























Samedi 22 août
Les escales prolongées sont l'occasion d'entreprendre des nettoyages du bateau. Comme pour le passage des écluses, ils se sont répartis les rôles et s'y tiennent : lui s'occupe de l'intérieur ; elle, de l'extérieur. Il ne leur est pas venu à l'idée, pour l'instant, de remettre en question cette distribution des tâches.
Dans l'après-midi, le ciel se couvre. En début de soirée, la péniche Samsara, à louer pour des croisières événementielles, balade un jeune couple de mariés et ses invités. En fin de soirée, une petite pluie achève le nettoyage du bateau.



Dimanche 23 août
Le ciel est couvert. La veille, ils ont passé la journée au port. Aujourd'hui, ils se rendront en ville, d'abord pour renouveler leurs provisions au marché de Saint-Aubin. Au retour du marché, ils prennent un verre au « Bar du Matou » à la Place Dupuy, en face de la Halle aux Grains. Ils ont déjà pris des repères.
Dans l'après-midi, ils ne résistent pas à l'envie de rejoindre le centre ville, sans but précis si ce n'est de s'installer à une terrasse de bistrot. Ils ont l'intention également de retrouver une boutique qui avait attiré son attention à elle. Ils la repèrent à la rue de la Bourse. Ils sauront la retrouver en début de semaine lorsqu'elle sera ouverte.
En fin de journée le ciel se dégage. Le port est calme. Des bateaux l'ont quitté hier. Ceux qui restent sont pour la plupart inoccupés ; ceux qui sont occupés, le sont par des plaisanciers discrets.










Lundi 24 août
Le trafic sur le canal est particulièrement faible. Depuis qu'ils sont à Toulouse, ils n'ont plus vu de bateaux de location. Le port n'est occupé que par des bateaux privés. La base de location la plus proche est située à quelques trente kilomètres en amont et depuis cette base les bateaux circulent de préférence vers l'Est. Le ciel, dégagé hier en fin de journée, a été couvert toute la journée. Ambiance maussade de fin de saison.
Des ragondins, ils en ont aperçus en navigant. Ils n'en avaient encore jamais observés dans les ports. Ils se sont installés sur la plate-forme de baignade d'un bateau inoccupé avant de rejoindre leur terrier sur les berges pour la nuit.



Mardi 25 août
Les escales prolongées ont un côté reposant. Non pas que la navigation en elle-même soit fatigante, surtout pas sur le canal du Midi, mais du fait qu'ils n'aient pas chaque jour à trouver des repères dans un paysage différent.
Le ciel est dégagé. Dans l'après-midi, ils vont dire au revoir au centre ville. Elle tient surtout à visiter une boutique qu'elle avait repérée lors de leurs balades précédentes. Ils emportent avec eux une dernière image de Toulouse, celle d'une verrière 1900 bleu pastel.
Dans l'intervalle, John a rejoint l'autre au port. Ils s'étaient quittés à Castelnaudary. John terminera la saison à Toulouse. L'autre reprendra la navigation demain pour traverser Toulouse et s'engager dans le canal latéral à la Garonne.


Mercredi 26 août
Il est 9:30 lorsqu'ils quittent le port Saint-Sauveur de Toulouse après avoir compléter la réserve de gazole. Le canal n'est pas à l'aise en ville. Il se fraie un passage par d'étranges constructions. Ils passent les trois dernières écluses du canal du Midi, atteignent le Port de l'Embouchure, mettent le cap plein Nord et s'engagent dans le canal latéral à la Garonne. Ils passent un quartier de bateaux-logements et traversent la banlieue industrielle de Toulouse. Le point de fuite de la voie d'eau rectiligne se perd à l'horizon. Les berges sont inhospitalières, encombrées d'herbes aquatiques, difficiles d'approche lorsque l'accostage n'y est pas purement et simplement interdit. Ils regrettent déjà les courbes douces du canal du Midi et le caractère accueillant de ses berges. Ils décident d'avancer en espérant trouver mieux plus loin. Ils passent cinq écluses et parcourent plus de treize kilomètres. Cela fait quatre heures qu'ils ont quitté Toulouse. Lorsqu'ils aperçoivent une berge à peu près fréquentable sous des platanes, ils n'hésitent pas, plantent les clous et amarrent le bateau. Le canal est bordé par la voie ferrée. Tans pis, ils seront au moins à l'ombre pour le reste de la journée. Et même à l'ombre la température monte au-dessus de trente degrés. Ils sont à moins de deux kilomètres du village de St-Jory.















Jeudi 27 août
En pleine nuit, alors que le trafic ferroviaire s'était calmé, ils sont réveillés par des rafales de vent. Après le Mistral et la Tramontane, voici le vent d’Autan. Elle estime nécessaire de contrôler la stabilité des clous d'amarrage, sur les berges, à la lampe de poche. Au petit matin l'activité ferroviaire reprend. La première nuit sur le canal de Garonne fut plutôt mauvaise bien qu'ils se la soient pourtant souhaitée bonne.
Ils larguent les amarres vers 9:00 avec l'intention de s'arrêter à Grisolles : environ treize kilomètres et quatre écluses. Après la nuit qu'ils ont passée, ils ne vont pas trop forcer. Le vent a faibli ; le ciel est couvert. Le canal ne suit pas les méandres de la Garonne. Il trace sa voie tout droit. A l'horizon, toujours ce point de fuite qui s'éloigne au fur et à mesure qu'ils avancent. Les écluses sont automatisées. On tourne une perche suspendue au milieu du canal, attend que le feu passe au vert, pénètre dans l'écluse et pousse un bouton pour enclencher la bassinée. A la deuxième écluse, elle tourne la perche. Rien ne se passe. Il manœuvre pour replacer le bateau sous la perche. Elle tourne à nouveau la perche. Toujours rien. Ils ont déjà connu cette situation sur le canal du Centre. L'écluse est en panne. Le double feu rouge le signale. Il la laisse débarquer pour qu'elle puisse aller signaler l'incident par l’interphone de l'écluse. Par hasard un employé des VNF est sur place qui actionnera manuellement l'écluse. Ils croisent le premier bateau depuis qu'ils se sont engagés sur le canal. Le chemin de fer longe toujours le canal. Il s'est installé sans scrupule sur la berge. Le canal avait préparé le terrain.
Ils amarrent le bateau à Grisolles vers 11:30, à l'arrière d'un bateau battant pavillon français. Ils constateront qu'il est inoccupé. Pas d'ombre et le ciel se dégage. Heureusement le vent souffle un peu. Ils sont rejoints par un navigateur français qui remonte le canal sur un voilier au nom de Nosy Mena. Il est étonné, en considérant leur bateau, qu'ils soient descendus le Rhône et peine à croire qu'ils aient l'intention de le remonter. Il n'a jamais vu un bateau de ce genre sur le Rhône. L'autre, flatté, bombe la proue, discrètement pour qu'eux seuls le remarquent. « Nous en reparlerons quand tu l'auras remonté », lui soufflent-ils amicalement.







Vendredi 28 août
Ils reprennent la navigation vers 9:15 à destination de Montech, à seize kilomètres et une écluse. Le ciel est couvert. La température sera agréable.
Le canal est toujours aussi rectiligne. S'il n'y avait les ponts comme repères, ils auraient l'impression de faire du surplace. Le canal est toujours aussi désert. Les épaves de machines agricoles ont remplacé celles des bateaux. Les quelques anciennes gares qu'ils entraperçoivent sont abandonnées. Elles ont ici au moins été conservées en attendant une réhabilitation qui semble pourtant bien improbable. Ils ne rencontrent aucun bateau, si ce n'est une péniche-logement perdue au milieu de nulle part. Elle ne doit pas souvent larguer les amarres. Leur carte fluviale ne l'aurait sinon pas indiquée. Les portes de l'écluse de Lavache, la seule qu'ils aient à passer, refusent de se refermer. Ils doivent demander l'intervention des VNF. Montech n'est plus qu'à quelques deux kilomètres. A l'approche de la localité quelques rares bateaux-logements animent un peu le canal. Le port de Montech est situé juste après le pont du même nom, à bâbord pour eux. Ils y amarrent le bateau vers 11:30.
Contrairement à leur habitude, ils ne partent pas à la visite du centre ville. Ils ont décidé de faire une escale de deux nuits et visiteront le centre ville le lendemain. La terrasse du Bistrot Constant les accueille à l’extrémité Nord du port. Ils y prendront le repas du soir.










Samedi 29 août
Le ciel est dégagé. Les nuages s'étaient déjà dissipés hier à la mi-journée. Les prévisions annoncent jusqu'à 36 degrés le long de la Garonne. Le bateau est branché sur l'électricité du quai. Les ventilateurs pourront être utilisés sans retenue.
Depuis le port, ils prennent l'Avenue André-Bonnet en direction du centre ville. Le centre ancien a conservé la forme rectangulaire héritée du village fortifié primitif. Des boulevards ont remplacé les murs de fortifications et les fossés. Le caractère du centre ancien est marqué par les constructions en briques de terre cuite et à pans de bois, la palette des couleurs de Toulouse. Ils sont toujours surpris par le nombre relativement important de bâtiments abandonnés qui composent des tableaux pittoresques ; attentifs aux anciennes devantures qui racontent la vie perdue d'un centre historique déserté par les commerces et les bistrots qui se sont installés sur les boulevards alentours.
Le port de Montech est un des rares qu'ils ont rencontrés où des plantations, bien qu'encore un peu jeunes, offrent de l'ombre aux bateaux. Ils sont épatés de constater que des bateaux plus petits que l'autre traversent la France.














Dimanche 30 août
Ils avaient repéré un petit bateau qui affichait fièrement « Traversée de la France ». Elle, dans son rôle de chargée des relations extérieures, prend contact, en soirée, avec un homme, assis sur un banc du quai, qui pourrait bien être l'occupant du petit bateau. C'est le cas. Il a relevé le défit de traverser la France de Dunkerque à Bordeaux à bord d'un bateau de 4 m, équipé d'un moteur de 5 CV et d'une rame de 1.75 m, en ne dépensant que 5 € par jour. Eux sont à bord d'un bateau de près de 9 m, équipé d'un moteur de 35 CV et n'ont pas calculé la moyenne journalière de leurs dépenses. Mais ils sont deux et n'ont pas fait profession d'aventurier-écrivain.
Ils reprennent la navigation vers 9:00 avec dans leur sillage le curieux petit bateau Froggy. Ils feront escale, les deux, à Castelsarrasin. Ils adaptent leur vitesse à celle du petit bateau. Ils passent les écluses sans attente. Le petit bateau attire la curiosité des éclusiers, cyclistes et promeneurs. La voie d'eau est toujours aussi rectiligne et déserte. Ils ne croisent que trois bateaux. L'occupation des berges par les bateaux annonce l'approche de Castelsarrasin. Ils s'installent au port municipal avec le petit bateau vers 12:15, de part et d'autre de Fitzcarraldo, une grande vedette avec laquelle le petit bateau avait rendez-vous. Ils ont parcouru treize kilomètres et franchi huit écluses.
Le lecteur intéressé par l'aventure du petit bateau cliquera ici Histoire de Traverser.













Lundi 31 août
A Castelsarrasin, les bistrots sont fermés le lundi.
Cela fait plus de 90 jours qu'ils ont retrouvé leur bateau à Lechâtelet sur la Saône. Cela fait quelques jours qu'elle a le vague à l'âme, le mal de la maison. Ils laisseront leur bateau hiverner à Castelsarrasin et n'iront pas au-delà cette saison. Ils exploreront les voies d'eau de la région la saison prochaine : le canal de Montech jusqu'à Montauban, la Garonne jusqu'à Bordeaux, le Lot aval, la Baïse. Ils reporteront la remontée du Rhône à la saison 2017.
En soirée, ils essuient le premier orage sérieux de leur périple, accompagné d'un vent violent. Ils espèrent que Froggy se sera bien accroché à Fitzcarraldo. Sinon le vent l'emportera.
Ambiance de fin de saison.


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