Jeudi 16 juillet
Elle, chargée des relations extérieures, a pris contact la veille au soir avec les propriétaires de la péniche Lady Sue. Elle leur a rappelé qu'ils s'étaient rencontrés sur le canal du Nivernais en 2013. Elle, pas « elle » de l'autre, mais « elle » de Lady Sue, s'en souvenait. A parler à la troisième personne, la description des relations à des tiers devient compliquée. Elle, celle de l'autre, apprend qu'ils, ceux de Lady Sue, reprennent la navigation le lendemain pour traverser l'étang de Thau. Ils décident de faire le trajet dans le sillage de Lady Sue.
Ils quittent la halte de Frontignan vers 9:15 sous un ciel couvert, Lady Sue en tête, suivie d'un narrow boat, et l'autre derrière. Peu de vent. Les conditions sont idéales. C'est la première fois qu'ils naviguent sur une grande étendue d'eau et sont soulagés de pouvoir suivre des bateaux pour garder le cap. Ils ont le sentiment qu'ils auraient sinon erré à la recherche de leur trajectoire. Au milieu de l'étang, le vent forcit, un vent latéral qui soulève des vagues qui ballottent le bateau. Ambiance de mer.
A la sortie de l'étang de Thau, qu'ils auront mis quelques deux heures à traverser, ils s'engagent dans le canal du Midi. Les berges sont encombrées d'épaves. Il ne doit pas exister de sites de démantèlement de bateaux. A moins que ce soit plus économique de laisser reposer en paix les bateaux en fin de vie à leur dernier point d'amarrage. Ils se présentent devant la première écluse du canal juste au début de la pause de midi. Les écluses sont fermées entre 12:30 et 13:30. Ils en avaient perdu l'habitude. Ils doivent encore laisser passer un bateau-promenade avant de s'engager dans l'écluse, l'autre en tête, suivi du narrow boat et de Lady Sue. L'écluse est pleine. Si les bajoyers n'étaient pas arrondis, l'écluse n'aurait pu contenir les trois embarcations. Après le passage de l'écluse, le canal sinue en pleine nature. A la sortie de l'écluse de garde de Prades qui précède la rencontre du canal avec l'Hérault, ils ont la surprise d'apercevoir la péniche Wietske, amarrée en sauvage, qu'ils avait rencontrée aux Roches-de-Condrieu sur le Rhône, le 16 juin. Ils décident d'amarrer également leur bateau. Il est environ 14:30. Lady Sue poursuit sa route pour remonter le tronçon navigable de l'Hérault.
Ils n'avaient pas encore pris de décision quant à l'escale pour la nuit. Les circonstances auront décidé pour eux. Et les circonstances sont favorables : une guinguette est installée à l'écluse de garde. Le ciel est resté couvert. Une petite brise souffle. La température est agréable même à bord. Ils ont retrouvé le pays des cigales.
Vendredi 17 juillet
Ils ont partagé le repas du soir avec les propriétaires de la péniche Wietske, dans une ambiance rétro, à la guinguette de l'écluse, la Guinguette d'Axtéris (ils précisent à l'attention des lecteurs tatillons qu'il n'y a pas de faute de frappe).
Le bateau est à l'ombre d'imposants platanes. Il le restera jusque dans l'après-midi. Ils n'avaient pas encore trouvé de conditions d'escale aussi favorables cette saison. Le lieu est trop accueillant pour qu'ils ne résistent à l'envie d'y passer une nuit supplémentaire.
La péniche Wietske a repris la navigation en début de journée. Ils la rencontreront sans doute à nouveau quelque part sur le canal du Midi.
L'endroit où ils se trouvent est situé tout proche d'Agde qu'il est possible de rejoindre à pied en longeant l'Hérault. Ils avaient l'intention de s'y rendre. Mais après la sieste, ils ont surtout eu envie de profiter de leur nid de verdure, de l'ombre des platanes sur leur fauteuil. Ils referont le parcours en sens inverse la saison prochaine et il convient de garder quelques curiosité à découvrir. Leur farniente aura ainsi bonne conscience.
Re-guinguette avec un concert live dans la vraie tradition des guinguettes.
Samedi 18 juillet
Ils ont indiqué sur leur carte fluviale la possibilité d'escale à l'écluse de garde de Prades à Agde en n'oubliant pas de mentionner la présence d'une guinguette.
Ils larguent les amarres vers 9:30, s'engagent sur un tronçon de l'Hérault et rejoignent l'écluse d'Agde : un bassin rond à trois portes qui permet d'emprunter soit le canal, soit l'Hérault vers la mer. Les lecteurs ne trouveront pas de photos de l'écluse ronde. L'appareil a conservé les réglages de la veille pour les prises de vue nocturnes de la guinguette. Ils s'en aperçoivent un peu tardivement.
La navigation sur le canal est agréable. Les platanes des berges mettent la voie d'eau à l'ombre. Contre toute attente, le trafic est faible.
Le canal coupe la rivière du Libron. Une curieuse construction protège le canal des crues de la rivière.
Ils n'ont pas planifié leur prochaine escale. Ils franchissent encore une écluse avant la fermeture de la mi-journée et décident d'amarrer le bateau en sauvage sous une voûte de verdure formée par les platanes et à proximité d'une guinguette. Les habitudes s'installent rapidement. Le moteur a produit l'eau chaude nécessaire et rechargé les batteries. Ils devront par contre bientôt songer à refaire le plein d'eau. Leur guide fluvial indique la présence d'une halte équipée à Villeneuve-les-Béziers, à quelques 4 km. Ils y feront peut-être escale demain. Pour aujourd'hui, ils se sentent bien à leur lieu d'amarrage et y passeront la nuit après avoir pris le repas du soir à la ginguette.
Dimanche 19 juillet
Ils larguent les amarres vers 10:00. Le passage sous certains ponts est étroit. Avec leur petit bateau ils sont à l'aise mais les péniches-logements doivent sans doute passer au toucher. La voûte de verdure des platanes se dégrade. Les effets du chancre coloré sont sensibles. Plusieurs arbres infectés ont été abattus. Sur l'ancien chemin de hallage, les cyclistes sont au soleil. Les nouvelles plantations malingres n'offrent pas encore d'ombre. A l'approche des localités, les berges sont occupées par les bateaux-logements.
Après trois kilomètres seulement, ils trouvent une place disponible à la halte de Villeneuve-les-Béziers à proximité des branchements pour l'eau et l'électricité. Sur les berges, les anciens platanes ont tous été remplacés par de nouvelles pousses. Le ciel, couvert en début de journée, est totalement dégagé. Ils sont en plein soleil. Heureusement, ils peuvent utiliser les ventilateurs sans retenue ; le bateau est branché sur l'électricité du quai.
Les services du camping voisin comprennent une laverie. Le linge est propre, la cuve d'eau est pleine. Ils n'auront plus à se soucier de trouver une halte équipée avant une dizaine de jours. Ils pourront s'amarrer en sauvage sur les tronçons ombragés du canal pour passer les nuits et à proximité de commerces pour renouveler les provisions.
En ce dimanche après-midi trop chaud, Villeneuve-les-Béziers, hormis sa halte fluviale, se résume à une terrasse de café et à une peinture en trompe-l'oeil efficace. Ils n'ont pas eu le courage de se rendre jusque dans le centre ancien.
Lundi 20 juillet
Le canal du Midi mesure 240 km. Les kilomètres sont comptés de Toulouse à l'étang de Thau. Ils sont au km 214 et feront le décompte à rebours.
Ils ont 7 kilomètres à parcourir et 4 écluses à franchir pour se présenter au pied de l'échelle d'écluses de Fonserannes. On ne peut s'engager dans l'échelle composée de 7 écluses que sur certaines plages horaires selon que l'on soit montant ou avalant : de 10:00 à 12:15 et de 16:00 à 18:45 pour les bateaux montant, ce qui est leur cas.
Ils se sont levés relativement tôt et ont le temps de faire quelques achats avant de larguer les amarres vers 9:00. Les deux premières écluses les attendent feu au vert. Le pont levant qui suit également. Ils retrouvent la voûte de verdure de l'allée de platanes. Des arbres secs et des souches d'arbres abattus rappellent que ces plantations, vraisemblablement plusieurs fois centenaires, sont malheureusement en sursis. Dans la lumière du début de journée, la surface quasi sans ride de l'eau fait miroir. Ils ont le curieux sentiment de flotter dans la frondaison des platanes.
A Béziers, deux écluses permettent d'accéder à un pont canal qui franchit l'Orb. Ils doivent patienter devant la première pour laisser passer deux bateaux de location. A la sortie de l'écluse il découvre une halte équipée non signalée sur leur guide fluvial. Ils décident de faire escale à Béziers. Il est environ 10:30. Ils franchiront la seconde écluse, le pont canal et l'échelle d'écluses de Fonserannes demain. Les quais ont été équipés il y a quelques mois. Ils comprennent la lacune de leur guide fluvial. Ils tolèrent une escale au soleil, pour honorer la mémoire de Pierre-Paul Riquet, concepteur et constructeur du canal du Midi, dont Béziers est la ville natale. Ici, les places, les rues, les enseignes portent son nom. La chaleur accablante les empêche d'apprécier le centre ancien. Même l'ombre des ruelles étroites, des platanes des allées Paul Riquet, des plantations du jardin des poètes, leur semble épaisse. Les halles sont fermées. Ils se réfugient dans la cathédrale St-Nazaire et son cloître pour tenter d'échapper aux assauts de la chaleur. La terrasse du café de Plaisance, à l'ombre de plantations denses, les accueille à la fin de leur balade.
Demain c'est sûr, après avoir franchi l'échelle d'écluses de Fonserannes, ils chercheront un lieu d'amarrage en sauvage sous la voûte de platanes, à moins que les circonstances n'en décident autrement.
Ils peuvent dormir tranquilles, le quai est placé sous la surveillance d'un vigile accompagné d'un chien.
Mardi 21 juillet
La halte fluviale de Béziers est située dans le bief séparant les deux écluses qui permettent d'accéder au pont canal sur l'Orb. Ils ont passé la première hier ; ils franchiront la seconde ce matin. Ils laissent s'y engager un bateau-passagers et quittent Béziers, dominée par la cathédrale St-Nazaire, vers 9:30. Ils franchissent l'écluse, passent le pont canal et croisent les bateaux qui viennent de descendre l'échelle d'écluses. Avant d'atteindre l'échelle, ils laissent à bâbord un curieux engin enjambant une rampe de béton. Leur guide fluvial explique que la construction, datant des années 1960, permettait d'éviter l'échelle d'écluses. Suite à une panne des freins hydrauliques, l'engin a dévalé la rampe d'eau et repose désormais définitivement hors service. L'échelle d'écluses du 17ème siècle est, elle, par contre, toujours en service.
Au pied de l'échelle, ils rejoignent le bateau-passagers parti avant eux qui attend derrière un autre bateau-passagers. Ils devront encore laisser passer un troisième bateau-passagers, derrière eux dans la file d'attente mais prioritaire. Ils s'engagent dans la première écluse avec deux bateaux de location. Occupés à l'amarrage et au maintien du bateau lors du passage des écluses, ils n'ont pas eu le loisir de photographier l'ouvrage, si ce n'est à la sortie de la dernière des sept écluses qu'ils n'auront mis que 45 minutes à franchir.
Comme ils se l'étaient promis la veille, ils amarrent le bateau en sauvage sur un tronçon du canal qui a conservé son allée de platanes. La voûte de verdure, malgré quelques trous en raison d'arbres malades, offre l'ombre recherchée après l'effort fourni sous le soleil pour le franchissement de l'échelle d'écluses. Il est environ midi. Ils sont au kilomètre 205. En 2.5 heures, ils auront parcouru 3 kilomètres. Ils devront songer à allonger les étapes.
En fin de journée, ils ont la surprise de voir la péniche Wietske s'amarrer devant leur bateau, l'équipage fourbu et en sueur après l'épreuve de l'échelle d'écluses.
Mercredi 22 juillet
Ils se réveillent sous la pluie ; une pluie d'abord timide, ensuite plus soutenue mais trop brève pour apporter un peu de fraîcheur. Le ciel est néanmoins couvert et la journée sera sans doute moins chaude.
Ils ne sont pas déterminés sur la prochaine escale. C'est l'avantage du canal de ne pas devoir planifier les étapes. Ils sont toutefois certains d'une chose : ils parcourront sensiblement plus de kilomètres que la veille. L'objectif ne sera pas difficile à atteindre.
Ils est un peu plus de 9:30 lorsqu'ils larguent les amarres. La péniche Wietske partira plus tard. Elle les rattrapera sans doute lors d'une prochaine escale.
Ils passent Colombiers avant de s'engager dans le tunnel de Malpas. L'allée de platanes se dégrade. Les arbres morts et les souches prédisent le funeste destin des platanes encore valides. Les voûtes de verdures sont rares. Le village de Poilhès offre des possibilités d'amarrage sympathiques. Ils n'ont parcouru qu'une dizaine de kilomètres et décident d'atteindre Capestang. Le guide fluvial annonce une halte agréable à quelques pas du centre du village. La halte est encombrée de bateaux. Ils amarrent le bateau au-delà de la halte, le temps de boire un verre à la terrasse du bar du port, de compléter leur réserve d'eau potable, de prendre le repas de midi à bord et de se rendre au village pour quelques achats. Un panneau indique la direction du centre historique. D'historique le centre n'a conservé que la collégiale et le château des archevêques. Pour le reste, il faut gratter les enduits pour constater que l'architecture des constructions a connu des jours meilleurs. Ils privilégient les terrasses sous les platanes de la traditionnelle place du village. Les boulangeries n'ouvrent qu'en fin d'après-midi. Il est un peu tard pour reprendre la navigation. La couverture nuageuse s'est en grande partie dissipée mais un vent, parfois même soutenu, ventile le bateau. Ils passeront la nuit à Capestang.
Jeudi 23 juillet
Hier en fin de journée, des nuages ont aidé le soleil à se coucher. Avec le vent la température a été agréable en soirée.
Ils reprennent la navigation vers 9:00. Un vent d'ouest plutôt soutenu fait frisonner la voie d'eau. Sur le canal on croise des engins flottants de toute sorte que l'on hésite à qualifier de bateaux tant leur allure s'écarte des idées reçues. Ils rejoignent la péniche à passagers Langon qu'ils avaient laissé partir avant eux à Béziers. A son bord, un groupe d'enfants qui passe des vacances au fil de l'eau. Ils suivent la péniche au ralenti, à 4 km/h environ. Le canal est sinueux et la péniche ne peut passer les courbes serrées qu'à faible vitesse. Derrière eux un bateau de plaisance s'impatiente, les double et force le passage pour devancer la péniche. Eux attendent sagement un signe de la péniche pour la doubler. De petits aqueducs permettent au canal de franchir les rivières de la région. En fin de matinée, ils cherchent une voûte de verdure pour amarrer le bateau. Il la trouvent à l'approche du village d'Argeliers où un bateau est déjà installé. La frondaison des platanes n'est pas aussi dense qu'il l'aurait souhaité. Ils ne peuvent être trop exigeants. Les platanes sont décimés et les voûtes de verdure généreuses des cartes postales du canal du Midi sont devenues rares. Le vent souffle encore de manière soutenue et rend la chaleur supportable. Ils sont amarrés lorsque la péniche Langon les double. Ils feront escale à cet endroit et laisseront la péniche prendre de la distance. Ils sont environ au point kilométrique 173. Ils ont parcouru près d'un tiers du canal.
Vendredi 24 juillet
Ils ont l'intention de faire une première halte à Port-la-Robine, à quelques cinq kilomètres, où leur guide fluvial indique un service de gazole. Ils n'auraient pas besoin de carburant, mais ils ont décidé de saisir les opportunités d'approvisionnement à quai pour faire régulièrement le plein. Ils veulent achever leur périple le réservoir plein pour l'hivernage du bateau, sans avoir à effectuer des allers-retours entre le bateau et une station à carburant avec un jerrican. S'ils trouvent de la place et si la halte est accueillante, ils feront escale au Somail pour compléter leur réserve d'eau potable et leurs provisions. Le cas échéant, l'étape aura été courte, moins de 8 kilomètres. Leur volonté d'allonger les étapes s'émousse-t-elle déjà ? A ce rythme, ils ne tarderont pas à être rattrapés par la péniche Wietske.
Ils reprennent la navigation vers 9:45. Ils laissent à bâbord l'embranchement pour Narbonne et s'arrêtent peu après, comme prévu, à Port-la-Robine pour faire le plein de gazole. Ils doublent la péniche Langon, amarrée. Ils n'auront pas à la suivre au ralenti. La halte du Somail est encombrée et les quais n'offrent pas d'ombres. Ils décident de poursuivre. Ils trouvent une petite place libre à Paraza, s'y amarrent le temps d'une pause à la terrasse d'un petit bar où ils trouvent du pain et peuvent compléter leur réserve d'eau potable. L'endroit n'offre aucune ombre au bateau. Après un petit repas à bord, ils larguent les amarres à la recherche d'un lieu ombragé pour l'escale de la fin de journée. Une baraque flottante demande aux bateaux de ralentir par égard pour sa construction branlante. Les berges ont malheureusement perdu leurs plantations. Ils finissent par trouver une allée de platanes bien conservée qu'ils n'attendaient plus. Sans hésiter, ils amarrent le bateau. Il est environ 15:00. Ils viennent de passer le village de Roubia. Ils ont parcouru une vingtaine de kilomètres sans vraiment le vouloir.
En début de soirée, le ciel se couvre et l'orage gronde alentours.
Samedi 25 juillet
Ils n'ont pas subi l'orage et n'ont essuyé que quelques gouttes de pluie. Le vent s'est levé dans la nuit et a rafraîchi la température à bord. Cela faisait bien longtemps, leur semble-t-il, qu'ils ne s'étaient sentis à l'aise sous la couette.
Après plusieurs escales en nature, ils souhaitent une escale urbaine pour la fin de semaine. « Urbaine » c'est beaucoup dire ; ils ne traverseront que des villages. Encore faudra-t-il trouver une place équipée d'un branchement électrique. Ils ont constaté que les haltes à l'intérieur des localités n'offrent que rarement de l'ombre. Même si la température a baissé et si le vent souffle, en plein soleil ils auront besoin d'utiliser les ventilateurs.
Depuis l'échelle de Fonserannes, à plus de cinquante kilomètres d'ici, ils n'ont plus franchi d'écluses. Ils se trouvent à moins de deux kilomètres d'une écluse. Après l'écluse ils atteindront le village d'Argens-Minervois où le guide fluvial annonce une halte gérée par une entreprise de location de bateaux. Ils téléphonent à la capitainerie. Des bateaux de location doivent quitter le port dans le courant de la journée. Ils devraient trouver des places libres en fin de journée.
Ils passent la journée à l'ombre de l'allée de platanes et sous un fort vent du nord. La température à bord est descendue à 26 degrés. Ils ont l'impression qu'il fait presque frais. Ils espèrent que le vent faiblira en fin d'après-midi. La navigation serait plus agréable, surtout pour passer l'écluse et amarrer le bateau au port.
Mais le vent ne faiblit pas. Quelques bateaux de location zigzaguent sur la voie d'eau en luttant contre le vent latéral. Ils décident de reporter leur départ au lendemain matin et passeront une seconde nuit sous leur allée de platanes. Avec une jolie surprise en soirée : la retransmission par France-Inter du concert de Joan Baez au Paleo Festival de Nyon ; en rappel, la chanteuse propose une interprétation d'Imagine de John Lennon.
Dimanche 26 juillet
Ils reprennent la navigation vers 9:15. L'écluse est prête. Ils la franchissent en compagnie d'un bateau de location et amarrent le bateau à la sortie de l'écluse. Des produits régionaux sont en vente à la maison de l'écluse. Ils ne savent pas quels commerces ils trouveront au prochain village. Autant profiter des opportunités qui se présentent ; il est dimanche.
Après moins de trois kilomètres ils atteignent Argens-Minervois. Ils font le tour du village et trouvent une petite épicerie ; ils apprennent qu'elle est le seul commerce du village. Ils parviennent à compléter leurs provisions pour l'essentiel.
Le bateau sera au soleil toute la journée. Ils pourront utiliser les ventilateurs et se réfugier sous les plantations alentours si nécessaire. Le petit village qui semble déserté par ses habitants n'invite pas à une visite supplémentaire. Le seul intérêt de la halte est lié à la présence d'un bar-restaurant sur place : les Terrasses du Port. Ils y prendront le repas du soir, pour éviter le désagréable sentiment d'avoir fait escale au mauvais endroit. Ils tenteront de satisfaire leur envie d'une escale urbaine en s'arrêtant demain à Homps situé à six kilomètres et trois écluses, dont deux doubles.
Lundi 27 juillet
Le bateau avait stocké la chaleur de la journée. Le ventilateur a tourné toute la nuit.
Ils quittent le port d'Argens-Minervois vers 9:00.
Ils ajoutent un nouveau spécimen à leur collection d'objets flottants insolites. Ils avaient déjà la baraque ; ils ont maintenant également la maisonnette. Elle ne doit pas naviguer souvent ; un triangle de panne est installé sur la terrasse.
Ils passent les écluses en compagnie de deux bateaux : un de location ; l'autre propriété d'un couple français membre, comme eux, de l'Association Nationale des Plaisanciers en Eaux Intérieures (ANPEI). Les écluses sont mécanisées. Elles sont actionnées par une éclusière ou un éclusier. Ils ne faut toutefois pas compter sur leur aide pour l'amarrage du bateau à l'intérieur de l'écluse. Lorsque le bateau est montant, ce qui est leur cas, il faut débarquer un membre de l'équipage au ponton d'attente avant l'écluse ; celui-ci prendra les cordes pour l'amarrage du bateau. Lui est à la barre ; elle, aux cordes. En début de journée, le trafic sur le canal est encore faible. Ils n'ont pas besoin d'attendre devant les deux premières doubles écluses. Ils devront par contre patienter devant la troisième écluse pour laisser passer un bateau avalant.
Ils amarrent le bateau vers 11:15 au quai du port d'Homps. Ils sont environ au point kilométrique 145. Plusieurs bars-restaurants, une épicerie-boulangerie, un petit supermarché et un caveau sont situées à quelques pas du port. Le quai est animé en raison de la présence de deux bases de location en face du port municipal. Le port semble plus important que le village ; les touristes plus nombreux que les résidents. Ce n'est pas l'escale « urbaine » qu'ils attendaient. Il leur faudra attendre Trèbes, sinon Carcassonne. Dans l'attente, autant faire escale en nature maintenant que les provisions et les réserves d'eau (potable et sanitaire) sont faites.
Mardi 28 juillet
Un fort vent du nord-ouest s'est levé, un vent latéral qui plaque le bateau au quai, un vent trop fort pour une navigation tranquille à leur goût. Ils resteront à quai. Météo-France annonce un renforcement du vent pour le lendemain. Si les prévisions se confirment, leur escale à Homps risque de se prolonger, au pied d'une ancienne façade réduite à un mur de clôture d'un jardin de restaurant.
Depuis qu'ils ont hissé les pavillons, le français à la poupe pour le bateau, le suisse à la proue pour l'équipage, ils reçoivent des « grüezi mitenand » comme si les suisses ne pouvaient être qu'alémaniques dans le monde de la plaisance fluviale. Certains, par peur de passer inaperçus, déploient la guirlande des fanions. Eux, hésitent à mettre leur pavillon suisse en berne.
A la tombée du jour, dans les reflets de l'eau, même l'ordinaire peut avoir du charme.
Mercredi 29 juillet
Le vent est tombé durant la nuit. En début de journée, il ne s'est toujours pas levé. Ils quittent Homps vers 9:00. Ils ont une écluse à franchir pour atteindre le village de La Redorte. Ils passent l'écluse sans attente avec deux autres bateaux qui ont quitté Homps dans leur sillage. Le canal sinue en nature tranquillement, à peine dérangé par quelques bateaux. On leur prédisait pourtant un fort trafic sur le canal du Midi en cette saison.
A l'arrivée au village de La Redorte, les plantations sur les berges sont généreuses. Ils n'ont parcouru que six kilomètres mais l'endroit leur convient. Ils y amarrent le bateau. Le vent s'est levé et le ciel s'est couvert. Ils allongeront les étapes ces prochains jours.
Jeudi 30 juillet
Au petit matin, ils sont réveillés par le tambourinement de la pluie sur le bateau. Ils décident d'une grasse matinée ; ils ne naviguent pas par temps de pluie … en raison d'un essuie-glace paresseux. Ceux qui pensent que l'essuie-glace a bon dos n'ont pas tort.
Ce n'est pas aujourd'hui qu'ils allongeront les étapes de navigation. Ils tiennent une feuille de route qui calcule la durée moyenne de navigation journalière et, sur la base de cette moyenne, le nombre estimé de jours pour atteindre une destination donnée. Déduction faite de leur semaine de vacances en Provence, ils ont navigué en moyenne un peu plus de 1.5 heures par jour. Ils devraient atteindre Toulouse dans 18 jours, le 17 août.
Ils profitent de l'escale pluvieuse pour aller laver du linge à la laverie du village. Le village n'est pas pittoresque mais offre tous les commerces utiles à quelques centaines de mètres de la halte nautique. A l'écart des voies de circulation, la halte est particulièrement calme. Un bar-restaurant est installé sur le quai. A La Redorte, les conditions d'une escale agréable sont réunies, pour autant que l'on ait pas absolument besoin de branchements pour l'électricité et l'eau. Ceux-ci sont rares et les conditions d'utilisation de l'électricité pour le moins curieuses : 2 € pour 30 minutes de branchement, même pas le temps de recharger les batteries et de tempérer l'eau ; autant faire tourner le moteur 1 heure, c'est moins cher. Que les écologistes cherchent l'erreur.
Il a plu toute la journée par intermittence. La température a baissé. En fin d'après-midi, le vent s'est levé avec des rafales qui ballottent le bateau. Ils ont enfilé des vêtements plus chauds. Drôle de temps d'une autre saison.
En fin de journée le ciel se dégage à l'ouest. Quelques bateaux de location ont fait escale pour la nuit. A la nuit tombée, le village agricole ordinaire prend, avec son quai, l'allure d'un lieu de villégiature.
Vendredi 31 juillet
Le soleil s'est levé dans un ciel dégagé. Le vent s'est calmé. La température est agréable. Les conditions sont idéales pour reprendre la navigation. Ils ont devant eux trois écluses doubles, une triple et une simple jusqu'à Marseillette où ils envisagent faire escale.
Ils quittent La Redorte vers 8:30. Ils passent les deux premières doubles-écluses sans attente, en compagnie d'un bateau de location. La deuxième double-écluse, celle d'Aiguille, est animée par des sculptures de bois et métal de récupération produites par l'éclusier-artiste. Ils doivent attendre devant les écluses suivantes, le temps de laisser passer des bateaux avalant déjà engagés. Les quais du village de Marseillette ne sont pas accueillants. Ils laissent le village derrière eux à la recherche d'un endroit ombragé qu'ils trouvent peu après. Ils y amarrent le bateau. Il est environ 12:30, l'heure de l'apéritif. Ils ont parcouru une douzaine de kilomètres.
L'observateur attentif des photos constatera qu'ils ont pris la peine de signaler les clous d'amarrage par égard aux nombreux cyclistes qui empruntent l'ancien chemin de halage. Les cyclistes sont plus nombreux que les bateaux sur le canal.
En début de soirée, la pluie se met à tomber et l'orage à gronder. Le paysage devient abstrait.
Samedi 1er août
Ni la pluie, ni l'orage n'ont été violents. Juste de quoi dégourdir la pompe de cale. Le lecteur fidèle sait que leur bateau prend l'eau par le dispositif du toit ouvrant ; c'est toujours mieux que par la coque.
Ils ont l'intention de faire escale à Trèbes. Ils auront une dizaine de kilomètres à parcourir et une écluse-triple à franchir. Ils reprennent la navigation vers 9:15. Jusque vers l'écluse, à l'entrée de Trèbes, le canal présente une belle séquence nature. Les platanes alternent avec les pins parasols et se mélangent aux essences de la forêt voisine. Ils n'ont guère plus d'un quart d'heure à attendre au pied de l'écluse. Un bateau montant comme eux, s'y est déjà engagé. Ils amarrent le bateau à Trèbes vers 11:15. Ils n'ont croisé que deux bateaux sur leur trajet. Décidément, le trafic est étonnamment faible sur le canal du Midi en cette saison pourtant réputée haute. A Trèbes, pour bénéficier des services, il faut stationner dans une base de location. Celle-ci n'offre plus de places visiteurs libres. Toute la flotte des bateaux de location semble être à quai. La crise a aussi des effets dans le domaine de la plaisance fluviale. Ils se passeront des branchements pour l'eau et l'électricité. Sur les berges du canal, les jeunes platanes nouvellement plantés n'offriront de l'ombre que dans quelques décennies. La partie du quai qui bénéficie de l'ombre des platanes plus âgés est squattée par les terrasses des restaurants. Ils y prendront le repas du soir.
Un nord-africain partage avec lui-même son repas du soir sur la berge à côté de leur bateau. Ils engagent la conservation. Il a passé sa vie professionnelle à Belfort et a décidé de prendre sa retraite dans le sud pour se rapprocher de son Maroc natal. Eux qui ne sont que de passage lui offrent un contact qu'il n'a peut-être pas encore trouvé ici. Toujours est-il qu'il propose de leur apporter du couscous demain matin à 11:00. Rendez-vous est pris.
L'ancien Trèbes s'enroule autour de sa cathédrale ; le plus récent s'étale alentours un peu informe et sans caractère marqué.
Dimanche 2 août
Le ciel est totalement dégagé. Les prévisions météorologiques annoncent un retour de la chaleur. Si celle-ci est trop lourde, ils se déplaceront à la recherche de l'ombre des plantations.
En attendant ils ont rendez-vous avec le Marocain rencontré la veille au soir qui doit leur apporter du couscous à 11:00. Toujours personne à 11:30. La température monte à bord. Ils vont prendre l'apéritif sur une terrasse du quai. Si leur visiteur vient dans l'intervalle, ils l'apercevront. Ils ne pensaient pas que le décalage horaire avec le Maghreb était aussi important.
La péniche Langon qu'ils avaient suivie et rencontrée à plusieurs reprises depuis Béziers redescend le canal, sans doute depuis Carcassonne, pour revenir au point de départ de sa croisière.
Vers 13:30, ils quittent la halte de Trèbes pour mettre le bateau à l'ombre d'une rangée de platanes. Pas de couscous au menu du repas du soir.
Ils ont parcouru une bonne moitié du canal. Demain, ils seront à Carcassonne : une dizaine de kilomètres et six écluses dont une double.
Lundi 3 août
Ils laissent passer quelques bateaux de location matinaux et reprennent la navigation vers 9:30. A la deuxième écluse, les bateaux se sont accumulés suite à une panne des portes. Ils passent l'écluse à quatre. À la sortie de l'écluse, ils amarrent le bateau sous une voûte de verdure pour laisser le trafic se diluer. Ils reprendront la navigation après la pause de la mi-journée.
Le temps d'un repas et d'une petite sieste leur laisse apprécier l'endroit à l'ombre même sous le soleil au zénith. La journée sera chaude. Pourquoi reprendre la navigation en pleine journée sous un soleil accablant, alors qu'ils pourraient rester à l'ombre en pleine verdure ? Les prévisions météorologiques annonce un temps plus nuageux pour le lendemain. C'est décidé, ils rejoindront Carcassonne demain.
Un Anglais les interpelle depuis le chemin de hallage. Le moteur de son bateau, amarré quelques centaines de mètres en amont, est en panne. Prévoyants, ils avaient emporté la carte du chantier naval de Port la Robine où ils avaient complété leur réserve de gazole. L'infortuné navigateur pourra être dépanné le lendemain matin. Ils ont la chance de n'avoir encore connu aucune panne de moteur. Ils touchent le peu de bois qu'ils ont sur leur bateau en plastique.
Les règles de la navigation sur les canaux demandent de réduire la vitesse à 4 km/h lorsque l'on traverse une halte ou passe à côté de bateaux amarrés. La règle est bien respectée par les bateaux privés et mêmes les bateaux à passagers. Elle est totalement ignorée par les bateaux de location qui sont largement majoritaires en cette saison sur le canal. Ils doivent régulièrement replanter les clous d'amarrage déstabilisés par le passage des bateaux. Ils essayent de demander de ralentir avec un geste qui est le plus souvent interprété comme une salutation que poliment on leur retourne.
Mardi 4 août
Le bateau se réveille décoré par des feuilles de platanes. Il a échappé à l'orage, mais essuyé quelques gouttes de pluie durant la nuit. Un vent d'ouest s'est levé. Le ciel est couvert conformément aux prévisions.
Ils reprennent la navigation vers 9:15. Ils passent le bateau anglais qui attend l'intervention des dépanneurs. Les restes d'un bateau échoué ont été déposés sur la berge. Il s’appelait Sarah. Un bateau de location les attend au pied de l'écluse de Fresquel. Deux bateaux, de location également, les rejoignent. Ils passeront les écluses ensemble jusqu’à Carcassonne. L'écluse de Fresquel est composée d'une écluse simple suivie d'une double. A elles trois, elles permettent de franchir près de neuf mètres de dénivellation.
A l'approche de Carcassonne, des bateaux-logements occupent les berges. Ils amarrent le bateau vers 11:00 à la halte municipale, le long d'un quai qui précède l'écluse donnant accès au bassin principal. Ils évitent dans toute la mesure du possible la promiscuité des vastes parkings à bateaux.
Mercredi 5 août
Devant eux, le pont de l'écluse sous les rayons du soleil encore bas ; derrière eux, le pont du chemin de fer à contre-jour. C'est le paysage matinal du petit-déjeuner à bord.
Il fera chaud et le bateau est en plein soleil dès le milieu de la matinée et pour toute la journée. Le réservoir d'eau sanitaire est plein, les bouteilles d'eau potable également et les batteries sont chargées. Ils quittent la halte municipale pour se mettre à l'ombre des platanes en aval du pont de chemin de fer, après un tourner sur canal. Ils ne devront pas oublier de refaire demi tour lorsqu'ils reprendront la navigation.
Ils ont déjà eu l'occasion de visiter la cité médiévale de Carcassonne, à l'époque où ils voyageaient en voiture. Ils resteront dans la ville basse. Des églises, dont certaines du 13ème et 14ème siècle, se sentent un peu à l'étroit, curieusement insérées dans une trame en damier qui ne semble pas avoir été tracée pour elles. Les édifices néoclassiques et art-déco du début du 20ème s'y sentent plus à l'aise. Les anciennes réclames murales délavées racontent l'histoire des lieux. La droguerie, aujourd'hui disparue, avait pris la place d'une boutique de vêtements sur mesure. Les touristes sont nombreux. La visite de la fameuse cité médiévale doit se faire aux coudes à coudes. Ils ne regrettent pas d'y avoir renoncé.
En fin de journée, ils reçoivent un message de la péniche Wietske qui annonce son arrivée à Carcassonne pour le lendemain. Ils l'attendront pour offrir à son équipage l'apéritif à bord de l'autre, à charge de revanche.
Jeudi 6 août
Une des deux bonbonnes de gaz s'est épuisée durant la nuit. Le réfrigérateur qu'ils avaient regarni est heureusement resté frais. Ils avaient repéré la veille une station-essence avec un dépôt de gaz, proche du port. Ils saisissent l'opportunité pour remplacer sans attende la bonbonne épuisée.
Ils retournent le bateau dans le bons sens, celui de leur trajet. Ils n'auront pas à faire demi-tour lorsqu'ils reprendront la navigation demain. Ils le précisent à l'attention de ceux qui pourraient s'étonner de voir, sur les photos, le pont ferroviaire tantôt à la poupe, tantôt à la proue.
Ils nettoient le bateau à l'intérieur et font une lessive à la laverie du port. La péniche Wietske s'amarre deux bateaux derrière eux à la mi-journée pour l'heure de l'apéro.
La chaleur n'invite pas à la découverte de la ville. Les fauteuils des terrasses sous les platanes de la Place Carnot sont trop accueillants. Les villes du sud ne doivent pas se découvrir en plein été.
Vendredi 7 août
Le ciel est couvert. Il fera sans doute moins chaud. Ils ne reprendront pas la navigation aujourd'hui. Ils prendront le temps de flâner dans la bastide de Carcassonne qu'en raison de la chaleur ils n'ont pas encore sérieusement explorée. Ils en font le tour par les boulevards construits sur les fossés des anciens remparts aujourd'hui disparus. La salle de cinéma Colisée est fermée pour raison de vacances ; le groupe scolaire Jean Jaures également. L'architecture affiche fièrement la destination publique des constructions. Essayez aujourd'hui de faire la différence entre l'école et le locatif. Un bastion, rare vestige des fortifications, a été aménagé, dans la première moitié du 19ème siècle, lorsqu'il a été abandonné par l'artillerie, en un jardin du Calvaire. Ils parcourent le damier de la bastide par des ruelles peu fréquentées par les touristes, celles qui passe au chevet des églises. Dans la perspective d'une ruelle, la fameuse cité médiévale qu'ils bouderont. Les halles sont ouvertes le matin. Une construction art-déco dialogue avec le porche gothique d'une église. La déambulation les a ramenés à l'inévitable rue piétonne qui traverse la Place Carnot dont les platanes ne projettent aujourd'hui aucune ombre sous le soleil voilé. Les fauteuils de leur terrasse les attendent, toujours aussi confortables.
Les bateaux de location ont repris la navigation. L'autre et la péniche Wietske sont seuls à quai. L'autre passera sa dernière nuit à Carcassonne. La péniche Wietske y passera la fin de semaine. Ils se reverront sans doute plus loin sur le canal du Midi, sinon sur le canal latéral à la Garonne.
Samedi 8 août
Le ciel est toujours nuageux. Les prévisions annoncent des précipitations pour l'après-midi. D'ici là ils auront fait escale. La première écluse est à une centaine de mètres de leur point d'amarrage. Ils s'y présentent à 9:00 et peuvent la franchir sans attendre. A la deuxième, cinq kilomètres plus loin, ils doivent juste attendre que le bassin se vide pour les accueillir. Le canal est désert à ces heures matinales. L'ancienne maison de l'écluse accueille un gîte accessible même au navigateur à mobilité réduite. Sur certains tronçons, le canal a été creusé en tranchée. D'élégantes constructions en arcs soutiennent les berges et les ponts s'élèvent de manière inhabituelle. La pluie se met à tomber plus tôt que prévu. Ils amarrent le bateau à l'approche de l'écluse d'Herminis et décident de faire escale. Ils n'apprécient pas le passage des écluses par temps de pluie, ni la navigation avec leur essuie-glace paresseux. Ils n'ont parcouru que sept kilomètres.
L'ancienne maison d'écluse abrite un bistro. Il sera peut-être fermé ce soir compte tenu de la faible affluence en raison du mauvais temps. Par précaution, ils y prennent le repas de midi.
Il pleut par intermittence tout le reste de la journée. La pluie sur les vitrages du bateau floute le paysage et les quelques navigateurs plus téméraires qu'eux.
Dimanche 9 août
La pluie a cessé de tomber la veille en fin de soirée. Le silence nocturne contraste avec l'ambiance urbaine de Carcassonne. Pas un bruit. Juste parfois un discret bruissement du vent dans les feuillages.
En début de journée, le soleil tente avec peine de percer la couverture nuageuse.
Le temps pour elle de rejoindre l'écluse au pied de laquelle ils ont passé la nuit que les portes s'ouvrent. Le bistro de l'écluse est encore endormi. Trois cents mètres plus loin une écluse double les accueille. Le canal développe ses méandres en pleine nature. L'écluse suivante, prévenue par la précédente, les attend également portes ouvertes. Comme la veille, le canal est désert en ces heures matinales. Ils ne croisent qu'une péniche-hôtel encore au repos. Le village de Villesèquelande présente une possibilité de halte qui leur semble sympathique. Le toponyme les intrigue et le dimanche doit être un jour de repos. Ils amarrent le bateau à des pieux prévus à cet effet. Ils n'ont pas besoin de planter les clous. Ils ont parcouru quelques huit kilomètres, guère plus que la veille. Ils ont tout-de-même franchi 4 écluses.
Un épicerie est ouverte au village. Ils complètent leur provisions. La curiosité du lieu : l'Ormeau de Sully du 17ème siècle. L'arbre porte son âge ; des poteaux métalliques soutiennent ses branches les plus lourdes.
Dans l'après-midi, le vent se lève et la pluie se remet à tomber. Un vrai temps de dimanche automnale. Ils ont finalement eu raison de faire escale.
Lundi 10 août
Quelques nuages traînent encore à l'Est mais le ciel est dégagé à l'Ouest. Ils ont l'intention de faire escale à Bram à quelques dix kilomètres et une écluse. Sept, huit, dix … depuis l'escale prolongée de Carcassonne, ils allongent progressivement les étapes.
Le temps de prendre le petit-déjeuner et des nuages occupent le ciel à l'Ouest. Ils reprennent la navigation vers 9:15. A l'écluse, située à mi parcours, ils doivent attendre le passage de trois bateaux de location avalants. Le franchissement d'une écluse par trois bateaux de location prend du temps. Le premier bateau se met de travers, appuyé contre les portes. Il faut le redresser et dégager les portes avant que les deux autres bateaux puissent entrer. Bref, près de trois quarts d'heure d'attente, avant qu'ils puissent s'engager dans l'écluse. Les plantations du canal sont encore bien conservées. Ils ne croisent que des bateaux de location, hormis un bateau échoué et un autre quasi abandonné.
Ils atteignent Bram, vers 11:15, presque l'heure de l'apéritif. L'ancienne maison
de contrôle intermédiaire des droits de navigation abrite un bistro. Il est fermé le lundi. Ils prendront l'apéro à bord ; ils ont de quoi faire.
Le petit port de Bram offre des branchements pour l'électricité et l'eau. Les étapes sont trop courtes pour que le moteur puisse chauffer correctement la réserve d'eau chaude sanitaire. Ils feront escale à Bram.
Le village est situé à une petite demie-heure à pied du port. Le centre ancien s'enroule autour de l'église. De l'ancien bourg médiéval fortifié, ne subsiste que l'organisation circulaire. Aucun vestige des anciennes fortifications n'a été conservé. L'architecture des constructions s'est banalisée et ne témoigne plus de l'ancienneté du site. Les bistros sont fermés. Pour ceux qui n'ont pas fermé définitivement, c'est le jour de fermeture hebdomadaire.
En fin d'après-midi, le ciel est entièrement dégagé. Les prévisions annoncent une hausse des températures pour demain. Ils feront une escale en nature sous une voûte de platanes, avant d'atteindre Castelnaudary.
Mardi 11 août
Le port de Bram est situé à quelques six cents mètres d'une écluse. Ils envisagent en franchir six pour faire escale à mi-distance de Castelnaudary. Ils se présentent devant l'écluse à l'heure d'ouverture. Le temps de s'annoncer et les portes s'ouvrent. La lumière matinale met en relief les allées de platanes fières de leurs reflets dans le miroir d'eau. Comme d'ordinaire en début de journée le canal est calme. Les bateaux sont amarrés, encore endormis. Ils croisent quelques bateaux de location, pas suffisamment nombreux pour imposer des attentes aux écluses qui les accueillent portes ouvertes. On leur annonce pour l'après-midi une course d'avirons en provenance de Castelnaudary. Comme prévu, ils amarrent le bateau une centaine de mètres après la sixième écluse, celle de Peyruque, sous une allée de platanes. L'ancienne maison d'écluse abrite une boutique de produits régionaux. La tenancière réalise des tartes dont on leur a vanté la qualité. Ils y goutteront et ne seront pas déçus. Ils achèteront également une boîte de cassoulet aux cuisses de canard. Dans l'intervalle, ils assistent à la course d'avirons.
Ils attendront un jour moins chaud, pour mettre le cassoulet au menu.
En fin de journée, sous l'allée de platanes, les ombres et les lumières composent des paysages impressionnistes qu'ils se plaisent à cadrer.
Mercredi 12 août
Leur destination : Castelnaudary. Environ sept kilomètres, mais six écluses dont une double, une triple et une quadruple, donc, au bout du compte, douze écluses. Plus d'écluses que de kilomètres. La matinée sera physique.
Comme la veille, ils se présentent à l'heure d'ouverture devant la première écluse qu'ils franchissent sans attente. Des saules pleureurs se sont mêlés aux platanes. Les canards semblent apprécier leur ombre. La deuxième écluse les attend portes ouvertes. Ils y rejoignent John, un petit bateau occupé par un couple autrichien, qu'ils ont déjà rencontré à plusieurs reprises sur le canal. Ils feront le trajet ensemble jusqu'à Castelnaudary. Comme la veille, le canal est quasi désert. Les bateaux sont encore pour la plupart endormis. Ils franchissent toutes les écluses sans attente. Après la quadruple écluse de St-Roch, ils atteignent le grand bassin de Castelnaudary. Une base de location y est installée. Ils amarrent le bateau au port municipal à 11:15. Sur sept kilomètres, ils ont franchi un dénivelé de plus de 31 mètres, en 2.25 h. Ils évitent dans toute la mesure du possible de faire escale dans des ports gérés par des bases de location. Ils préfèrent dépenser en faveur des collectivités publiques.
Le bateau sera au soleil jusqu'au coucher du soleil. Les quais des ports offrent rarement de l'ombre. Les deux ventilateurs seront mis à contribution.
Jeudi 13 août
Hier après-midi, ils sont partis à la découverte de Castelnaudary. Depuis le port, ils remontent le Cours de la République, à l'ombre des platanes des contre-allées, jusqu'à la Place de Verdun au pied d'une halle couverte. Ils se dirigent à droite vers la Collégiale St-Michel et déambulent dans les petites ruelles pour prendre l'ambiance du lieu. Ils ont l'impression de traverser un chantier abandonné par les entreprises en vacances ou en grève. Le chevet de l'église St-Jean, débarrassé d'anciennes constructions, attend une restauration. Les terrains libérés, sont en friches. Les murs de refend portent encore les traces des aménagements intérieurs des maisons démolies. Un bout de façade conservé compose avec les anciennes constructions une architecture étrangement contemporaine. Le lieu semble avoir été déserté : les devantures des rez-de-chaussées sont fermées, les volets des étages également. Ils rejoignent le port en descendant la rue de Dunkerque dont les commerces ont dû connaître des jours meilleurs. Chantal a remplacé Ulysse au salon de coiffure. De retour au canal, ils font le tour du grand bassin. Une ancienne péniche logement, squattée et taguée, attend de s'échouer, cachée derrière l’île de la Cybelle.
Depuis la nuit dernière, le temps est à la pluie et à l'orage. A la mi-journée, la couverture nuageuse laisse par intermittence un peu de place au soleil. Ils profitent de l'escale pour laver du linge et renouveler les provisions. Pour le repas du soir, ils se feront livrer à bord un cassoulet en « cassole » par le biais de la capitainerie du port. Ils n'allaient tout-de-même pas passer à Castelnaudary sans déguster un cassoulet. Ils garderont le cassoulet en conserve, acheté à l'écluse de Peyruque, pour une autre occasion.
En fin de journée, la pluie se remet à tomber et l'orage à gronder. Le cassoulet sera le bien venu. Ils n'ont pas encore pris de décision quant au lendemain. Elle envisage prolonger l'escale ; lui, attend de voir ce que réservera la nuit.
Vendredi 14 août
Le cassoulet du repas de hier soir a été livré par la Maison Escudier, fondée en 1920, dont la boutique a conservé la devanture d'origine.
Le ciel est menaçant. Ils décident de prolonger leur escale à Castelnaudary. Les prévisions météorologiques annoncent des pluies par intermittence. Les prévisions se confirmeront.
La manchette de La Dépêche du jour annonce l'abattage de 2'200 arbres supplémentaires sur le canal du Midi.
Journée mouillée de farniente dont ils n'ont rien à dire qui puisse intéresser le lecteur.
Samedi 15 août
Le jour se lève sous la pluie, une pluie fine mais entêtée qui semble ne pas vouloir s'arrêter. Les prévisions météorologiques annoncent un retour du beau temps pour demain. Ils prolongeront donc d'un jour encore leur escale à Castelnaudary.
Les bateaux de location reprennent la navigation ; ils doivent rejoindre leur base en fin de semaine. La plupart des bateaux privés restent à quai, parmi eux John. Ils évitent comme eux de naviguer par temps de pluie.
Ils ont été bien inspirés de partir à la découverte de la ville dès leur arrivée, mercredi dernier. Ils auraient sans doute renoncé à se balader sous un parapluie et le lecteur n'aurait pu apprécier leur petit reportage.
L'enseigne de la pharmacie au bout du Cours de la République affiche 19 degrés à la mi-journée. Dans l'après-midi, plus tôt que prévu, le soleil se fraie un passage à travers la couverture nuageuse. En fin de journée, le ciel est dégagé. Demain ils largueront les amarres, même si c'est dimanche.
Ils ne quitteront pas Castelnaudary sans relever l'accueil chaleureusement féminin de la capitainerie du port municipal.
Dimanche 16 août
Le port de Castelnaudary est situé au point kilométrique 65. Ils ont l'ambition d'atteindre le port de Lauragais au point kilométrique 50. Devant eux, cinq écluses dont une double et une triple, et ils auront atteint le bief de partage des eaux entre la Méditerranée et l'Océan. Ils auront encore une écluse à descendre pour arriver à destination. La dernière écluse du versant Est, porte le nom de Méditerranée ; la première du versant Ouest, celui d'Océan.
Ils reprennent la navigation vers 8:30 de manière à atteindre la première écluse vers 9:00, l'heure d'ouverture. A partir de Castelnaudary, direction Toulouse, les écluses simples sont « automatiques ». « Automatiques » veut dire qu'il n'y a pas d'éclusier et que celui-ci doit être remplacé par un membre de l'équipage qui actionne les commandes de préparation de l'écluse et d'éclusage.
Voies Navigables de France (VNF) a placardé des appels à projets pour certaines anciennes maisons d'écluses.
Après l'écluse « Méditerranée », sur les berges du village Le Ségala, des pieux d'amarrage, à l'ombre d'une double rangée de platanes, leur font un clin d’œil. Ils renoncent à atteindre le port de Lauragais et décident de faire escale. C'est presque l'heure de l'apéro. Et c'est un point remarquable du canal qui vaut bien une escale : au milieu du bief de partage des eaux entre la Méditerranée et l'Océan ; d'une certaine manière, le sommet du canal, à 189 m au-dessus du niveau de la mer.
Lundi 17 août
Sous la brise du soir, l'eau plisse le paysage et le redessine de manière quasi-abstraite.
Dans le calme de la campagne, ils ont dormi plus longtemps que prévu. Ils ne se présenteront pas devant l'écluse Océan à l'heure d'ouverture. Ils n'ont pas pris de décision quant à la prochaine escale. Ils décideront en fonction des circonstances.
Le bateau est encore amarré, lorsque passe Soel, le bateau d'un couple français. Ils larguent les amarres pour se mettre dans son sillage. Depuis Carcassonne, les plantations du canal sont dans l'ensemble bien conservées. De petits aqueducs permettent au canal d'enjamber les cours d'eau. Ils passent presque inaperçus. Désormais, ils descendent les écluses et c'est bien plus confortable. A l'occasion du passage des écluses, la conversation s'engage. Le couple français a déjà parcouru toutes les voies navigables de France. Les remontées du Rhône n'ont pas présenté de difficultés particulières, si ce n'est celle liée à la longueur des étapes. Soel ne doit guère être plus puissant que l'autre. Ils sont un peu rassurés. Même si le remontée du Rhône est au programme d'une autre saison, ils ne peuvent s'empêcher d'y penser et de tenter de se rassurer auprès des navigateurs plus expérimentés qu'eux.
Ils s'arrêtent à Gardouch, Soel pour la pause de midi, eux pour le reste de la journée. Ils parviennent à se glisser dans une petite place libre juste à la dimension du bateau. Les deux bistros à portée de pas sont fermés le lundi. Ils n'iront pas pour autant voir plus loin. Ils sont maintenant installés et ils avaient mis des bières au frais. Ils ont parcouru quinze kilomètres et franchi 4 écluses dont une double. Il sont à moins de quarante kilomètres de Toulouse.
Le petit port est surtout occupé par des bateaux qui y résident à l'année. Il est situé au seuil d'une écluse. Ils n'auront pas besoin de se lever tôt pour s'y présenter à l'heure d'ouverture. La nuit sera tranquille. Un couple d'oies est chargé du gardiennage du port.
Mardi 18 août
Ils se lèvent un peu avant 8:00. Le petit port de Gardouch est encore endormi mais le couple d'oies patrouille déjà. Ils franchissent l'écluse de Gardouch à l'heure d'ouverture. Le canal est désert. De ponts en aqueducs, ils passent les écluses sans aucune attente. Les feux de l'écluse d'Aiguesvives sont éteints. Une camionnette des VNF est stationnée. C'est la panne. Ils doivent attendre près d'une heure la remise en service de l'écluse. Ils amarrent le bateau à l'approche de l'écluse de Montgiscard. Ils en ont déjà franchi cinq dont deux doubles, parcouru une quinzaine de kilomètres et navigué plus de quatre heures.
Le bateau est amarré derrière la péniche Salammbô qui sert des boissons et de la petite restauration. La péniche n'est ouverte qu'en fin de semaine. Après un petit repas à bord, ils partent au village avec l'intention de repérer un bistro pour le repas du soir. La Brasserie de l'Ecluse et la pizzeria du même nom sont fermés le mardi. En face, un garage expose en vitrine une Citroën DS. Ce n'est pas ce qu'ils cherchent, mais ils ne peuvent s'empêcher de la regarder. Ils s'engagent dans la Grand-Rue qui conduit au centre du village. Les constructions en briques de terre cuite rappellent qu'ils ne sont pas loin de Toulouse. Ils ne croisent aucun commerce, hormis une pharmacie dont ils n'ont que faire et une boulangerie fermée pour cause de vacances. Sur la place de l'église, ils trouvent enfin un bistro ouvert, Le Chardon, mais qui ne sert pas de repas le soir. Si demain, le jour de fermeture du prochain bistro à portée du bateau est le mercredi, ils joueront à la Loterie, pour autant qu'ils trouvent un bureau-tabac ouvert.
Mercredi 19 août
Comme d'habitude, ils passent la première écluse, celle de Montgiscard, à l'heure d'ouverture. Ils sont seuls sur le canal. Ils ont presque quelques scrupules à déranger les canards. La brique de terre cuite a remplacé la pierre pour la construction des ponts. Ils ont l'intention de faire escale au port de Ramonville dans la périphérie de Toulouse avant de rejoindre le port municipal au centre ville. A l'approche de la localité, ils longent le quartier toujours pittoresque des bateaux-logements. Certains auront de la peine à reprendre la navigation un jour, tant ils ont perdu l'allure d'un bateau. D'autres ont même définitivement renoncé à larguer les amarres.
Le guide fluvial qualifie le port de Ramonville de « très accueillant ». Ils s'y engagent confiants et sont chaleureusement accueillis par une nappe épaisse d'herbes dont ils ont crû rester prisonniers. Avec difficulté, ils se dégagent du piège. Ils laissent derrière eux, une soupe d'herbes broyées par l'hélice bien aidée par le coupe-orin qu'ils avaient fait poser l'hiver dernier. Sur leur carte fluviale, ils effacent le port de Ramonville. Le canal du Midi est soudainement devenu inhospitalier. Il ne leur reste plus qu'à poursuivre la navigation jusqu'au centre de Toulouse. Ils franchissent le pont-canal des Herbettes qui, à leur grande surprise, enjambe une autoroute. La configuration des lieux bouscule la chronologie. L'autoroute a été creusée sous le canal. Derrière les platanes, les immeubles annoncent l'arrivée à Toulouse. Les bateaux-logements sont plus luxueux. Le port municipal de Saint-Sauveur est en vue au bout de l'allée de platanes. Ils ont parcouru vingt kilomètres et franchi trois écluses en quatre heures de navigation. Ils auraient économisé une demi-heure s'ils ne s'étaient aventurés dans le port de Ramonville.
C'est la fin du canal du Midi. L'allée de platanes fait place, de manière un peu abrupte, aux immeubles du centre ville. Même s'il en porte encore le nom jusqu'à la jonction avec le canal de la Garonne, ce n'est plus le canal du Midi.
S'ils devaient qualifier le canal du Midi en un mot, ils diraient c'est un canal « doux ». Un canal « doux » parce que tout en courbes : les courbes des méandres, celles des bajoyers des écluses, celles des arches des ponts, celles des murs de garde des écluses et des ponts, celles des arcs de soutènement des berges. Un canal « doux » parce que facile à vivre : les berges sont accueillantes ; les amarrages en sauvage, faciles ; les allées de platanes, encore généreuses de leur ombre.
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