La veille au soir, l’orage menaçait. Il n’a toutefois pas éclaté et l’atmosphère est restée lourde toute la nuit, leur semble-t-il.
Au matin, ciel couvert. Les conditions sont favorables pour une journée de navigation, pensent-ils. Ils devront déchanter.
Le port d’Auxerre s’est rempli durant leur escale. Plusieurs bateaux prendront sans doute le canal du Nivernais en même temps qu’eux. Il faudra s’organiser pour le passage des écluses.
Ils vont compléter la réserve de gazole avant de partir. Rares sont les ports qui offrent une pompe accessible aux bateaux. Ils seront ainsi tranquilles pour le reste du trajet. Deux bateaux se sont déjà inscrits pour le service gazole. Ils doivent attendre leur tour. Une fois le plein fait, ils s’engagent dans le canal du Nivernais étonnamment seuls compte tenu de l’encombrement du port.
Ils rejoignent Joli Roger en attente devant la troisième écluse. Ils feront le trajet dans son sillage jusqu’à Vincelles.
Joli Roger prend son temps. Ils le suivent en position ralenti. Les nuages n’ont pas tardé à faire la place au soleil. Et le trajet s’est fait, non seulement, au ralenti, mais également et surtout, sous une chaleur accablante.
Joli Roger s’amarre à Vincelles. Eux continuent jusqu’à Cravant où ils s’amarrent en dehors de la halte, à l’ombre de grands arbres, vers 16:30.
Leur premier souci : trouver un bistrot pour se désaltérer avec des bières pression fraîches ; heureusement ils le trouvent à proximité. Ensuite, douche pour éliminer la transpiration accumulée. Et enfin, repos à l’ombre des arbres, le toit du bateau entièrement ouvert, en attendant le coucher du soleil pour préparer le repas du soir.
L'orage qui menaçait la veille en fin de journée se manifeste au début de la nuit accompagné d'une averse qui rafraîchit la température à bord.
Samedi 20 juillet
Quelques nuages encombrent le ciel. La température est pour l’instant agréable.
La veille, les éclusiers leur avaient annoncé la canicule pour la fin de semaine et le début de la suivante. Il leur faudra trouver des haltes à l’ombre. Et si une halte est particulièrement accueillante, y rester quelques nuits pour laisser passer les journées les plus chaudes.
Ils reprennent la navigation vers 9:00 avec la ferme intention de naviguer moins d’heures que la veille.
Les informations routières annoncent une journée rouge. Ils sont seuls sur leur tronçon de canal. Joli Roger est derrière eux. Ils pourront naviguer à la vitesse de 8 km/h, vitesse maximale autorisée sur le canal du Nivernais. 8 km/h entre les écluses bien évidemment. A la deuxième écluse, l’éclusière leur demande de patienter : un bateau avalant a été annoncé et l’écluse est prête à le recevoir. 15 minutes plus tard, toujours pas de bateau en vue. L’éclusière renoncent à les faire attendre davantage et prépare l’écluse pour les faire monter. Ils croisent le bateau attendu une écluse plus loin. Les écluses seront désormais prêtes pour eux.
Vers midi ils amarrent le bateau à Mailly-la-Ville. Localité qui n’a de « ville » que le nom pour se distinguer de Mailly-le-Château. Il s’agit d’un village qui a perdu son bistrot et sa boulangerie mais tout-de-même conservé une petite épicerie bien achalandée avec dépôt de pain. En amarrant le bateau, ils ne savent pas encore si c’est pour la pause de midi ou pour le reste de la journée. Considérant la présence de l’épicerie, le caractère plutôt sympathique de la halte, la possibilité de se brancher pour l’eau et l’électricité et surtout soucieux d’éviter des heures de navigation en pleine chaleur, ils décident de s’arrêter pour le reste de la journée.
Les quelques nuages qui encombrent le ciel masqueront de temps à autre le soleil. Le branchement sur l’électricité permet de faire tourner les ventilateurs sans risque de mettre les batteries à plat. Et lorsque le bateau ne peut être mis à l’ombre, ils se mettent à l’ombre du bateau.
Dimanche 21 juillet
Le ciel est dégagé, il fera chaud. Ils se fixent modestement Châtel-Censoir comme destination pour quelque trois heures de navigation.
Ils doivent patienter la pause de midi devant la dernière écluse avant le port. C’est donc vers 13:30 qu’ils amarrent le bateau au port tenu par une base de location « le boat ». Ils ont la chance de trouver un emplacement où le bateau bénéfice de l’ombre de grands arbres dès 15:30.
Le village, pour ce qu’ils en voient depuis le port, semble pittoresque. Ils s’y rendront un peu plus tard dans la journée lorsque le soleil frappera de manière moins abrupte. Ils décideront ensuite s’ils resteront amarrés le lendemain.
Le village offre tous les commerces utiles, les indispensables sont même ouverts le lundi. La halte fluviale est agréable. Elle offre une belle sur le paysage alentours et présente de nombreuses possibilités de replis à l'ombre. Ces considérations plaident en faveur d'un jour sans navigation.
Avant de prendre leur décision, ils font le point sur le trajet qu'il reste à parcourir. Ils devront naviguer en moyenne 2 heures par jour pour arriver à destination dans les temps. Dorénavant toute escale d'un jour devra être compensée par un jour de navigation de 4 heures. Compte tenu de la canicule annoncée, ils savent que les prochains jours ils ne navigueront pas au-delà de midi. Ce n'est donc pas le moment de prévoir un jour sans navigation.
Lundi 22 juillet
La météo annonce la journée la plus chaude. Ils ne pensaient pas que l’été serait à ce point revanchard sur le printemps maussade.
Les infos indiquent que toutes les mesures ont été prises dans les maisons de retraite. Les voici rassurés. Mais ils ne savent toujours pas quelles mesures prendre à bord pour rendre la chaleur moins étouffante.
La première écluse est située à quelque 2 km. Ils partent à 8:40 en suivant un bateau de location occupé par des Autrichiens. Il y a décidément plus d'étrangers que de Français à naviguer sur les eaux intérieures de France.
Ils se sont fixés comme destination Coulanges-sur-Yonne (9 km et 5 écluses) qu’ils atteignent à 11:00. Un peu tôt pour s’arrêter. Les Autrichiens qui leur fraient le chemin continuent. Ils décident de les suivre au moins jusqu’à la halte suivante, Pousseaux.
A Pousseaux la halte leur semble peu accueillante. La navigation est fluide. Ils croisent quelques bateaux avalant et les écluses sont toutes prêtes à leur arrivée. Malgré la chaleur, ils décident de continuer en suivant les Autrichiens.
A un endroit, le canal coupe l’Yonne perpendiculairement. Les bateaux montant, c’est leur cas, doivent s’arrêter dans une écluse de garde, avant le « carrefour », pour attendre l’ouverture des portes de l’écluse située en face. En traversant, il faut entrer dans l’écluse sans trop ralentir, afin de ne pas être emporté par le courant de l’Yonne. Ce sont les consignes que donne leur guide fluviale. En pratique, ils ont quelque peine à déterminer le sens du courant de la rivière.
Ils passent la pause de midi dans une écluse à 3 km de Clamecy qui sera finalement leur destination.
Clamecy est en vue. Il reste une dernière écluse à franchir pour accéder au port. Ils ont parcouru en 1 jour le trajet qu’ils pensaient effectuer en 2 jours. Selon la planification de la veille, ils peuvent ainsi d’emblée s'offrir une escale d’un jour.
Ils choisissent de s’amarrer à proximité de bateaux qui manifestement sont stationnés à l’année. Dans un port, les emplacements occupés à l’année sont en général les meilleurs. Il est 13:45 et il fait 37 degrés à bord.
Le centre-ville est proche du port. Ils s’y rendent à la recherche d’une terrasse de bistrot à l’ombre. Ils la trouvent heureusement rapidement. Ils constatent la présence de nombreux commerces qui leur permettront demain de renouveler leurs réserves. De plus la vielle ville est pittoresque.
C’est sûr, ils feront une escale d’un jour au moins à Clamecy.
Mardi 23 juillet
Ils commencent par les achats afin de libérer la journée de cette corvée.
Au moment le plus chaud de la journée, ils choisissent de visiter la vieille ville dont le dédale des ruelles étroites offre des ombres bienvenues.
Ils sont, ici également, surpris par la richesse du patrimoine bâti et la qualité de sa conservation.
En frange de la vieille ville, une église en béton des années 1920 contribue à la diversité du patrimoine architectural.
La ville est largement baignée d’eau. La canal du Nivernais, l’Yonne et le Beuvron s’unissent pour lui donner un charme particulier.
Il n’est pas question de retourner au bateau par la chaleur de la mi-journée. Ils prennent le repas de midi sur une terrasse de bistrot à l’ombre. L’endroit étant agréable, l’extrême lenteur du service leur convient.
Le ciel se couvre de nuages menaçants. A peine de retour au bateau, l’orage gronde accompagné d’une pluie bienvenue. Ça faisait bien des jours que le bateau n’offrait plus un abri agréable.
Ils ont appris qu’une navette de bus assure une liaison avec Vézelay le mercredi et le jeudi. Prolongeront-ils leur escale d’un jour ? Le cas échéant, ils devront le compenser par une journée de navigation plus longue les jours suivants. Ils n'aiment pas vivre à crédit. L'escale d'aujourd'hui, il l'avait gagnée la veille. Ils prendront leur décision demain en fonction du temps. Si le temps est à la canicule, ils opteront pour le bus qui est sans doute climatisé et la visite de Vézelay. Si le temps n’est pas trop chaud, ils profiteront de naviguer.
Mercredi 24 juillet
La météo annonce une baisse sensible de la température. Le ciel est garni de nuages. Ils décident donc de reprendre la navigation avec l’intention de s’amarrer à Tannay.
Ils atteignent Tannay vers 14:00.
La halte fluviale qui offre eau et électricité est tenue par une base « le boat ». Les anciens bateaux « le boat » sont les bienvenus et exonérés de taxes d’amarrage. Ils ont déjà stationnés dans deux autres bases « le boat », à Migennes et Châtel-Censoir. C’est la première base à pratiquer ce régime. Et pourtant Migennes, était la base où ils avaient acheté le bateau.
Tannay est situé à près de 2 km de la halte. Un petit village est par contre situé à 500 m, Cuzy, qui possède un bistrot pour la désormais traditionnelle bière d’après navigation. Et le bistrot offre même un dépôt de pain.
Peu après le départ de Clamecy, elle a constaté que le réfrigérateur s’était arrêté. Ils venaient de renouveler leurs provisions. Sitôt amarrés, ils branchent le bateau sur l’électricité. Si le réfrigérateur ne redémarre pas en mode gaz demain matin, ils devront impérativement trouver une halte avec électricité pour la nuit prochaine, au risque sinon de devoir jeter une partie de leurs provisions. Ce problème de réfrigérateur est vraiment désagréable au sens où il limite les possibilités d’amarrage. Pour plus de liberté, ils se passeront de produits à conserver au froid et de glaçons dans le pastis.
Jeudi 25 juillet
Après avoir déconnecté le bateau de l’électricité du quai, elle tente d’allumer le frigo qui accepte de démarrer au gaz. Ils ne parleront plus de ce réfrigérateur capricieux. Qu’il le sache ; il n’occupera plus le devant de la scène quoi qu’il fasse.
Ils larguent les amarres vers 8:40 de manière à se présenter à la première écluse à l’heure d’ouverture. Un bateau de location les rejoint dans l’écluse. Il est occupé par des Français. Lui est agent VNF. Ils habitent l’écluse située au sommet du canal. Ils naviguent ensemble jusqu’à la pause de midi, se donnant des coups de main pour l’amarrage dans les écluses et la manipulation des ponts-levis.
Les écluses se rapprochent au fur et à mesure qu’ils approchent du sommet du canal.
Le canal est bordé d’une végétation particulièrement généreuse. Ils ont l’impression de se frayer un chemin en forêt.
A l’approche de midi, ils amarrent le bateau à l’ombre de grands arbres, à la sortie d’une écluse dont la maison d’éclusier abrite un petit restaurant, « l’écluse de la môme », où ils prennent le repas. « l’écluse de la môme », parce que, explique la carte, l’arrière-grand-père de la tenancière, Jacques Bouchard, était un ami d’Edith Piaf.
Ils amarrent le bateau à Chitry-les-Mines, vers 13:45, à l’extrémité des places d’amarrages, une corde à un bollard et l’autre à un clou. De grands arbres devraient apporter un peu d’ombre en début et fin de journée.
Le port est géré par Ted Johnson, spécialiste des moteurs marins anglais. C’est lui qui a fourni le moteur en échange standard pour leur bateau.
Ils n'ont pas besoin d'aller loin pour se désaltérer. Un snack est installé au port: "La Guinguette du Port". Ils pourront même y manger ce soir. Ils apprennent qu'au village il n'y a ni commerce, ni bistrot. Si Jules Renard n'y avait vécu, n'y avait été maire, n'y était inhumé, Chitry-les-Mines ne serait sans doute connu que des autochtones et des adeptes de la navigation fluviale. Le village ne figure du reste pas sur la carte leur servant à représenter leur itinéraire. C'est l'occasion de rappeler qu'ils actualisent régulièrement la carte du trajet parcouru sous l'onglet "Itinéraire 2013".
Vendredi 26 juillet
Au lever la température est conforme à celle des jours précédents : 24 degrés. Mais le ciel est nuageux et la température ne devrait pas monter autant que la veille durant la journée. Il n’est donc pas nécessaire de naviguer aux premières heures. A peine ont-ils largué les amarres, vers 10:00, que la pluie décide de les accompagner. Ils n’en demandaient pas tant, la couverture nuageuse suffisait. Elle doit enfiler son ciré pour monter sur le pont dans les écluses.
Quelques 4 km plus loin, ils s’arrêtent dans une halte exploitée par une compagnie de location, « locaboat » pour laisser passer l’averse. La halte offre tous les services y compris une laverie. La halte est quasiment vide. Elle est bordée de grands arbres sous lesquels ils pourront se réfugier si le ciel se dégage. Ils décident d’y passer le reste de la journée et de faire leur lessive.
A peine sont-ils amarrés que les nuages découvrent le soleil. Fauteuils pliables et livres sous les bras, ils se réfugient sous les arbres.
Samedi 27 juillet
Au bout de la nuit, une petite averse rafraîchit un peu le bateau.
Au lever, le ciel est toutefois dégagé avec quelques nuages décoratifs.
A l’approche du sommet du canal, les écluses se rapprochent. Ils s’apprêtent à affronter une échelle de 16 écluses. Ils ne savent pas encore s’ils la franchiront aujourd’hui ou s’il leur faudra deux jours pour le faire.
Ils rejoignent Lady Sue en attente dans la première écluse. Ils feront le trajet derrière elle, au ralenti, jusqu’à la pause de midi : 4 km et 8 écluses en près de 3 heures.
Lady Sue s’arrête pour le reste de la journée. Eux décident de s’engager dans l’échelle d’écluses dès 13:00.
Knock out sous les assauts du soleil, ils abandonnent à 6 écluses du sommet et amarrent le bateau entre deux écluses vers 15:00.
Contre toute attente, ils découvrent à la maison d’éclusier de la prochaine écluse un improbable bar tenu par un couple de soixante-huitards.
En fin d’après-midi, des nuages menaçants l’emportent sur le soleil. Le bateau est à l’ombre. L’orage qui gronde alentours se manifeste en début de soirée sous la forme d’un fort vent qui chahute le bateau et d’une pluie qu’ils auraient souhaité plus abondante pour mieux refroidir le bateau.
Dimanche 28 juillet
Il a plu toute la nuit. Ils n’avaient plus connu, depuis longtemps leur semble-t-il, une température aussi agréable. Au réveil il pleut toujours. Une petite pluie, mais suffisante pour les inviter à repousser leur départ à 13:00. Jusqu’au sommet du canal, il ne reste que deux petites heures de navigation et ils sont en avance sur leur planification. Ils espèrent que d’ici le début d’après-midi la pluie cessera, sinon elle enfilera son ciré.
En entendant, temps idéal pour un nettoyage du bateau qui le mérite bien, avec des standards de Bob en fond sonore.
A 13:00 une péniche libère l’écluse no 6 dans laquelle ils s’installent.
A l’écluse no 5, ils doivent attendre le passage de deux bateaux descendant.
Ils amarrent le bateau à la sortie de l’écluse no 1, à Port Brulé, vers 14:30, au pied de la maison qu’habite le couple français avec lequel ils ont navigué durant la matinée de jeudi dernier.
Ils sont au sommet du canal ; il leur restera demain à franchir trois tunnels, les voûtes de La Collancelle, pour atteindre Baye et commencer la descente du versant Loire.
L’après-midi, les nuages ont disparu mais la température reste agréable sous un petit vent.
Sur le versant Seine, dont ils viennent d’achever la montée, le canal joue avec l'Yonne, la suit, la traverse, s'y mêle. Le canal a un caractère naturel et sauvage s'harmonisant aux caprices de l'Yonne.
Sur le versant Loire, le canal aura sans doute un caractère plus artificiel. A voir.
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